Conseil de Communauté Morlaix, 25 janvier 2016 - photo Pierre-Yvon Boisnard: la rangée des vice-présidents entourant Jean-Luc Fichet, le président
Conseil de Communauté Morlaix, 25 janvier 2016 - deux élues qui ne peuvent plus siéger avec le passage de 65 à 52 conseillers communautaires en 2016, à l'encontre des mandats donnés par le suffrage universel, mais qui assistaient au Conseil de Communauté comme suppléantes
Compte rendu (partiel) par Ismaël Dupont, conseiller communautaire du Front de Gauche:
1°) Un conseil communautaire rétréci:
De 65 à 52 conseillers communautaires, moins de femmes, moins de diversité politique, une représentation plus restreinte des petites communes. JL Fichet a dit regretté: mais il n'y avait pas le choix: "la loi, c'est la loi"... La modification de la composition du Conseil Municipal de Ste Sève, la fusion des communes de St Thégonnec et Loc-Eguiner St Thégonnec (Morlaix communauté ne compte plus que 27 communes) imposait, suite à l'avis du Conseil Constitutionnel, cette réorganisation sur les bases de la proposition préfectorale du Conseil Communautaire. En attendant les élus suppléants ne peuvent pas siéger même s'ils reçoivent l'invitation pour le Conseil Communautaire. Dans la salle, toujours pas beaucoup d'assistance: deux personnes, en dehors des journalistes. C'est dommage, car les enjeux et les budgets discutés sont importants.
2°) Commissions
Agnès Le Brun a mis en avant le fait que plusieurs réunions de commissions, où l'on débat du fond des problèmes de manière ouverte et sans auto-censure, étaient difficilement accessibles car les délais de prévenance étaient trop courts, ou elles avaient lieu en même temps que d'autres réunions de commissions (c'est le cas notamment systématiquement pour la commission Environnement qui tombe en même temps que la commission Finances: alors que je suis titulaire des deux), ou étaient annulées au dernier moment, ce qui posait un problème pour s'organiser. En réponse, Jean-Luc Fichet a déclaré qu'une partie des commissions fonctionnaient avec une majorité de Conseillers Municipaux, ce qui pointait en retour l'absentéisme de beaucoup de conseillers communautaires, ... "suivez mon regard" (sic). Que le fonctionnement des commissions était tout ce qu'il pouvait être, compte tenu des contraintes. Circulez, il n'y a donc rien à discuter...
3°) Débat d'orientation budgétaire.
Le vice-président chargé des finances, Serge Le Pinvidic, a présenté le document d'orientation budgétaire constitué de 3 parties:
1/ l'environnement général
- La loi de programmation financière 2014-2019 répondant aux exigences de l'Europe en maière de réduction des dépenses publiques: baisse des concours financiers de l'état aux collectivités de 11 milliards d'euros
2/ la situation financière et le tableau de bord du mandat
Actuellement, un encours de dette de 10 400 000 euros. On est au-dessous de la moyenne de la strate pour ce qui est de l'endettement mais celui-ci ne doit pas dépasser 25 millions d'euros. L'exécutif prévoit de prioriser les investissements sur les dépenses de fonctionnement dans la mesure du possible et a un plan d'investissement de 60 millions d'euros sur le mandat (chiffre maximum).
3/ les orientations budgétaires 2016
Je suis intervenu le premier sur ce débat d'orientation budgétaire:
Pour dire tout d'abord que le ton fataliste de Serge Le Pinvidic concernant le caractère regrettable mais inéluctable des baisses de dotations consécutifs à des contraintes européennes correspondait mal à la réalité de choix politiques forts faits par l'actuel gouvernement en faveur du monde patronal et en défaveur des collectivités, des dépenses publiques et sociales. Pendant qu'on fait 32 milliards de cadeaux fiscaux aux entreprises dans le cadre du CICE, on met les collectivités à la diète.
il y a une forte pression sur le financement des actions communautaires liée à la baisse drastique des dotations d'Etat.
800 000€ vont être encore retirés à la Communauté d'agglomération en 2016, contre 800 000€ en 2015 et 400 000€ en 2014.
En tout, entre 2013 et 2017, ce sera en cumul 10 millions d'euros qui auront été perdus du côté des dotations d'Etat par la communauté (par rapport à une situation hypothétique de maintien des dotations d'Etat de 2013).
C'est considérable! D'autant que certaines compétences nouvelles ont été transférées et que le climat de crise n'est pas propice à une augmentation de la fiscalité locale et que les bases d'imposition de cette communauté éloignée des centres métropolitains et sans dynamisme démographique n'augmentent pas.
Et c'est à rapprocher évidemment avec la politique libérale (moins d'Etat, de solidarité, moins de services publics) et pro-patronale du gouvernement.
Cette politique de restriction des dotations aux collectivités justifiées au nom du désendettement ne marche pas puisque la dette publique a augmenté de 3,8% en 2015: normal quand l'austérité ralentit l'activité économique!
Les conséquences sont multiples:
- 1. une hausse de l'endettement pour les collectivités: avec l'importance des investissements du Pôle d'échange multimodal de la gare, le projet Espace des Sciences, l'aménagement de la Manu, l'endettement a augmenté de 8 millions d'euros à Morlaix-Communauté entre 2014 et 2015.
- 2. une forte pression exercée sur le budget pour augmenter les impôts et tarifs et Morlaix-Communauté prévoit de réévaluer à la hausse ses tarifs tous les ans (par exemple dans les transports) et d'augmenter la fiscalité: une hausse de 2% du taux de la Taxe d'Habitation, de la Contribution Foncière des Entreprises, et de la Taxe d'Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM).
Pour la taxe d'habitation, l'augmentation du taux de Morlaix Communauté (qui était resté stable depuis le transfert de cette part d'impôt local qui était autrefois prélevé par le département au niveau de la communauté d'agglo en 2011) coïncidera avec une augmentation d'environ 3% de la taxe d'habitation pour l'usager (1% de plus au titre de la revalorisation forfaitaire).
Or, la loi de Programmation de Finances 2014-2019 à laquelle fait référence le document du DOB 2016 fait état d'un objectif de réduction des prélèvements obligatoires. C'est tout le contraire de ce à quoi on assiste. Les impôts locaux augmentent, or, même si la moitié des citoyens adultes seulement paient la taxe d'habitation, c'est un impôt qui est peu progressif et qui est loin d'être le plus juste. Beaucoup de personnes avec des revenus très modestes s'en acquittant avec difficulté. Comment justifier une augmentation de la fiscalité locale alors que dans plusieurs domaines, l'offre de service de Morlaix-Communauté ne va pas en s'améliorant?
Quels tarifs vont augmenter? Ceux des bus et des cars péri-urbains? Va t-on facturer l'accès aux déchetteries?
- une forte pression exercée sur le personnel, ses conditions de travail (toujours plus de productivité demandée), d'indemnisation, et l'emploi public, puisqu'on cherche à faire autant, voire plus (la communauté a désormais de nouvelles compétences - PLUI, droit des sols - et de nouveaux postes de dépense en personnel: Espace des Sciences mis en service en 2018, avec une augmentation prévue des dépenses de fonctionnement de 2 millions d'euros) avec moins.
- une restriction des ambitions en terme de couverture de service public.
J'ai souligné qu'on l'a voyait à l'oeuvre dans l'actuelle mouture du projet de territoire qui sera discutée samedi matin où ne figurait pas la notion de renforcement du service public, ni même du service public tout simplement. En revanche, on nous parle beaucoup de soutien au monde de l'entreprise, de développement de la nouvelle économique, de soutien à l'attractivité du territoire.
Dans ce contexte d'austérité, on peut douter qu'il y ait la volonté de créer une régie publique des transports en commun urbains, péri-urbains et ruraux plus performante. Dans le projet de territoire (dans sa version actuelle), il est question de "garantir à tous un droit à la mobilité en inventant de nouvelles formes de mobilité: auto-pouce, navettes estivales, favoriser l'usage du vélo, des parkings relais". Aller vers "une offre de transport plus lisible" (changement de la billetique, interconnexion des modes de transport et information web) mais nullement densifiée pour ce qui est des transports en commun.
On peut craindre aussi que l'on ne veuille pas faire les investissements préalables pour le passage en régie publique de la gestion de l'eau (assainissement et distribution) à l'échelle communautaire. On peut supposer que l'obligation légale au titre des nouvelles normes de rénover, d'équiper les déchetteries ou de fermer certaines d'entre elles s'accompagnera d'une réduction de l'offre de service public de proximité en termes de gestion des déchets. Quel gâchis de fermer des déchetteries qui ont coûté des centaines de milliers d'euros et qui ont été construites il y a 10-15 ans surtout quand l'on sait que cela s'accompagnerait de coûts de rénovation ou de construction pour les autres, de coûts de déconstruction importants, d'une facture d'au moins 7 millions d'euros et d'une réduction importante du nombre de déchetteries avec peut-être un déséquilibre sur le territoire. Ce débat devrait être mené au grand jour et avec la population.
- restriction du soutien aux communes et aux associations: la Communauté d'agglo se concentre sur ses compétences strictement délimitées et ses priorités de mandat (projet de territoire). Des associations actives dans le domaine social et la vie quotidienne perdent des subventions. Pour elles, c'est la double peine car les communes aussi ont tendance à baisser leurs subventions comme elles perdent leurs moyens: à Morlaix, moins 470 000 € de dotations cette année, à Plouigneau, moins 155 000 en 2016, moins 220 000€ en 2017.
Il est ainsi écrit dans le document du DOB 2016 que, "à périmètre constant, les dépenses générales et les subventions doivent baisser".
- renoncement à des projets améliorant la vie quotidienne des habitants du territoire et structurants par rapport au développement de celui-ci.
Pour toutes ces raisons, combattant la politique d'austérité soutenue par les formations de la plupart des élus de droite et du PS de Morlaix Communauté et qui impacte considérablement les marges de manœuvre de la collectivité, j'imagine que je pourrai difficilement voter le budget 2016 de Morlaix Communauté, même si tout n'est évidemment pas à rejeter tous les projets, dont certains portent des ambitions intéressantes, notamment pour le rebond de la ville centre, Morlaix, qui, on l'a vu, a encore perdu des habitants sur les 5 années avant 2014.
Solange Creignou a pris la parole après moi en disant que contrairement à moi, elle n'allait pas se lancer dans des grandes théories politiques car elle était quelqu'un de pragmatique. Elle a regretté que la prise de compétence Petite Enfance ne figure pas parmi les priorités du mandat et que n'apparaisse pas non plus l'objectif de construction d'un nouveau terrain pour les gens du voyage.
Jean-Luc Fichet a dit que l'un et l'autre projets étaient encore à l'étude mais que pour le second, cela ne verrait pas le jour avant 2017 (la Communauté est à la recherche d'un terrain) tandis que le premier était à l'état de discussion avec les communes. Il a regretté que le Conseil Départemental (majorité socialiste) réduise au fonctionnement des structures petite enfance.
Un élu de la majorité de Morlaix, Jean-Charles Pouliquen, est intervenu pour s'étonner que rien ne figure dans le DOB 2016 sur le PAPI (plan de prévention contre les inondations) dont l'importance est cruciale et notée dans le projet de territoire, même s'il y a aucune explicitation des moyens d'action concrets dans ce dernier.
Jean-Luc Fichet a dit que ce n'était pas oublié et que la Communauté suivait ça de près avec les services de l'état mais que la Communauté n'inscrivait que ce qui serait effectivement consommé dans le cadre du plan pluri-annuel d'investissement. Comme il n'y a pas encore tous les feux verts, toutes les précisions sur ce plan, on inscrira les dépenses éventuelles en décisions modificatives.
Yves Moisan maire de Plouézoc'h et vice-président au tourisme a dit pour répondre à mes critiques sur l'orientation budgétaire de la communauté quel'objectif que se donnait la majorité était de garder des capacités d'investissement à un niveau élevé et de réaliser des investissements pour soutenir l'économie locale et offrir de nouveaux services et équipements, ce qui était un objectif réalisé dans cette planification budgétaire. Ainsi, la communauté s'engageait sur l'emploi.
Alain Tigréat, adjoint aux finances à Morlaix, a parlé d'une baisse des dotations inévitable, à laquelle on devait s'adapter malheureusement. Il a dit qu'il trouvait "dommage" que Morlaix Communauté augmente son taux de fiscalité locale. Il a demandé si une réflexion était prévue sur l'allègement de la masse salariale, ce que compliquait les nouvelles prises de compétence assurées dans le cadre de la réforme territoriale.
Jean-Luc Fichet a reconnu qu'il y avait un reste à charge significatif pour la Communauté avec les prises de compétence (Droit des Sols, PLUI) même si l'Etat co-finançait et il a ajouté que concrètement à mon tableau très noir de la situation des communes, si les communes n'augmentaient pas leurs impôts, c'est qu'il leur reste des marges de manoeuvre et que leur situation n'est pas si catastrophique que cela.
Alain Tigréat légèrement agacé a demandé un droit de réponse et dit que si la ville de Morlaix n'avait pas augmenté ses impôts, c'était au prix de gros efforts pour réduire ses charges de fonctionnement. La Communauté les fait-elle également?
Agnès Le Brun a dénoncé l'argument paradoxal: on augmente les impôts à la communauté car Morlaix n'augmente pas ses impôts. Elle a regretté comme souvent la baisse de dotations imputées à des collectivités "qui savent gérer un budget" (sous-entendu, contrairement à l'Etat), dotations qui sont des compensations aux communes suite à des récupérations ou des pertes de ressources fiscales ou à des transferts de compétence. Elle a demandé un ciblage plus précis des dépenses de fonctionnement accolées aux nouveaux investissements. Elle a dit son opposition dans ce contexte contraint à des choix "idéologiques" en faveur du service public et de la régie publique dans le domaine des transports, de la gestion de l'eau. Au nom du "réalisme", de "l'économie", elle a plaidé pour les Délégations de Service Publics, beaucoup moins coûteuses selon elle.
Jean-Luc Fichet lui a répondu sur ces accusations de gestion financière un peu lâche en disant qu'il y avait moyen d'économiser peut-être 200 000€ par an si la ville de Morlaix acceptait une gestion communautaire mutualisée de la piscine de la Boissière. Il a taclé le maire de Morlaix, une des vice-présidentes de l'association des maires de France, en disant que François Barouin, le président de l'AMF, réclamait des baisses de dotation et que l'UMP dans son programme demandait 150 milliards d'allégements des dépenses publiques, contre 50 milliards pour le gouvernement Valls-Hollande-Macron.
Ismaël Dupont: J'ai répondu à Jean-Luc Fichet que si la ville de Morlaix n'avait pas augmenté ses impôts, la baisse des dotations avaient eu d'autres conséquences préjudiciables, comme la baisse de 18% des subventions à beaucoup d'associations l'an passé, dont certaines qui avaient un ou des subventions comme l'ORPAM dont les missions en faveur des personnes âgées étaient menacées, ce qui avait justifié une demande d'aide complémentaire à la Communauté qui avait été refusée. Cela m'a permis aussi de répondre à Yves Moisan que la baisse de l'investissement des collectivités sur le plan national avec la baisse des dotations d'Etat était déjà une réalité qui pesait sur la qualité des services proposés aux usagers et sur l'emploi car les collectivités consacrent moins d'investissements pouvant soutenir le secteur du bâtiment et les entreprises locales. Les collectivités locales représentent 70% des commandes du BTP. Et actuellement, le secteur du bâtiment voit son nombre de chantiers chuter d'environ 22%. J'ai aussi rappelé les associations étaient aussi des employeurs, des soutiens à l'emploi local et que les réductions des subventions des collectivités pesaient très fortement sur elles. 15% de chômeurs en France: la politique d'austérité n'y est pas pour rien.
Yvon Hervé est intervenu pour dire que la nécessité de réduire la dette et la dépense publique était une évidence quand on se situait sur un terrain pragmatique, réaliste, et qu'en ménageant ses capacités d'investissement, l'actuelle direction de Morlaix Communauté présentait un budget tout à fait intéressant et sérieux.
Ismaël Dupont: J'ai répondu à Solange Creignou, Yvon Hervé, Jean-Luc Fichet et Agnès Le Brun qu'il n'y avait pas d'un côté les "pragmatiques bon gestionnaires" et de l'autre les idéologiques. En le faisant croire dans cette assemblée, parce que beaucoup d'élus sont rattachés à des partis qui soutiennent cette politique néo-libérale et d'austérité, on joue le bal des hypocrites et on tait les vrais choix politiques qu'il y a derrière cette politique de soutien au monde patronal, à qui on laisse ses 200 milliards d'exonérations fiscales et sociales par an, lui rajoutant même plusieurs dizaines de milliards de baisses de la fiscalité. C'est ce soutien au monde financier et économique qui ne produit pas de désendettement ni d'emploi qui explique aujourd'hui que l'Etat, les collectivités, baissent la qualité des services publics, des dispositifs de solidarité et de protection sociale. On est en train de casser un modèle social et de service public construit à la Libération que beaucoup nous enviaient dans le monde. Cela, c'est un vrai choix politique, un choix que je combats car il aggrave les inégalités d'accès aux droits et les injustices. Il ne faut pas se dissimuler les enjeux derrière son petit doigt au nom du principe technicien "on fait avec les moyens qu'on nous donne".
A suivre...