Olivier Morin
Mardi, 22 Décembre, 2015
L'Humanité
Le cabinet Eres a publié une étude montrant l’écart grandissant entre les dividendes versés aux actionnaires et les primes des salariés.
Les profits n’en finissent pas de remplir les poches des actionnaires au détriment des travailleurs qui les ont créés. L’étude, réalisée par le cabinet Eres et révélée dans les Échos du 21 décembre, est formelle : « Les dispositifs de partage des profits pour les salariés (intéressement, participation, prime dividende…) ont été cinq fois moins élevés en 2014 que les dividendes versés aux actionnaires. » Selon cette quatrième étude du baromètre publié par le cabinet spécialisé en épargne salariale et actionnariat salarié, les entreprises du SBF 120 (indice boursier qui regroupe les entreprises du CAC 40 et celles du Next 80) ont diminué de 7 % les primes qu’elles versent aux salariés. Avec une mention spéciale pour vingt d’entre elles qui ont versé dix fois plus de dividendes que de primes, alors que seules 11 % des sociétés du SBF 120 ont reversé davantage aux salariés qu’aux actionnaires.
Pourtant, le gouvernement avait bien tenté de pallier son manque de volonté à imposer des hausses de salaires par un dispositif de « déblocage des participations ». Cette réforme de l’épargne salariale permet normalement aux salariés de bénéficier sans délai des sommes versées par l’employeur au titre de la participation, tandis qu’« auparavant, les avoirs de la participation étaient bloqués de droit pour cinq ans sur des comptes d’épargne », précise le ministère de l’Économie. C’était d’ailleurs l’objet de la loi votée en août 2015 et dont le décret d’application est paru début décembre. Mais quelle « participation » ce dispositif peut bien débloquer quand, depuis 2011, celle-ci s’est érodée de 13 %, comme le constate Eres ? Quant à l’intéressement, celui-ci a chuté de 30 % depuis cette même année. Pendant ce temps, les dividendes ont poursuivi leur accroissement entamé au siècle précédent, ainsi que le montre une étude de l’Institut français de gouvernement des entreprises (IFGE) parue en 2013.
Les bénéfices des entreprises du CAC 40 ont augmenté de 37 % en 2014
En 1992, les actionnaires recevaient 7,29 milliards d’euros. Ils en empochent 43 en 2011. « C’est le cas typique de PSA, dénonce Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central CGT pour Peugeot-Citroën. On s’attend d’ailleurs à ce que l’entreprise annonce des profits historiques cette année alors que les salaires n’ont pas augmenté depuis 2012. » Car, plus que la diminution des primes à la participation, c’est la stagnation des salaires que le syndicaliste désigne. « La prime à l’intéressement ou à la participation, c’est surtout un moyen de ne pas augmenter les salaires. Lorsque les salaires sont augmentés, cela fait bouger aussi les primes d’équipe ou le calcul du montant des retraites, précise Jean-Pierre Mercier. Le système des primes est aléatoire, non pérenne et surtout injuste. »
Chez un autre constructeur automobile, on s’indigne aussi de cette répartition. Fabien Gâche, coordinateur CGT pour le groupe Renault, note que les dividendes ont été cinq fois plus importants que les primes à l’intéressement en 2014. Il souligne une double injustice marquée par le fait que « les salariés ne touchent pas de primes quand l’entreprise ne déclare pas de bénéfices, alors que les actionnaires sont toujours servis ». Et bien servis, puisque les bénéfices des entreprises du CAC 40 ont augmenté de 37 % en 2014, dont 46 milliards sont réservés aux actionnaires.