Depuis plusieurs semaines, Eric Berroche et Gérard Lahellec font la campagne du premier tour des élections régionales avec les artisans de la ratification du Pacte Budgétaire Européen, du Pacte de responsabilité et du CICE, de la loi Macron, de la casse du code du travail, des services publics.
De nombreux militants, dont je suis évidemment, sont écœurés et en colère de voir d'anciens dirigeants communistes bretons faire campagne avec Jean-Yves Le Drian, le ministre de la guerre et de la diplomatie pro-business des ventes d'armes et servilités avec les monarchies réactionnaires du Golfe, ce candidat fantôme qui méprise tellement la démocratie qu'il refuse toute présence sur le terrain de la campagne des régionales, toute confrontation avec les autres candidats, et qu'il prévoit en cas de réélection de mettre à sa place provisoirement un illustre inconnu qu'on n'a pas le courage de présenter devant le suffrage universel, lequel évidemment ne serait qu'un intérimaire jusqu'en 2017 et la victoire annoncée de la droite et renverrait Monsieur Le Drian à son petit fauteuil de président de région.
C'est pathétique et triste pour nous de les voir complices des Jean-Jacques Urvoas, l'homme des lois sécurité liberticides, Richard Ferrand, le rapporteur de la loi Macron, Marylise Lebranchu, la ministre de la réforme libérale de la fonction publique et des collectivités territoriales, et tant d'autres dignitaires socialistes qui ont voté des deux mains les 40 milliards de cadeaux au patronat et les 50 milliards retirés aux collectivités, aux services publics et à la protection sociale, ces mêmes dirigeants qui criminalisent les salariés et syndicalistes en lutte pour la sauvegarde de leur emploi, qui sont en train d'accompagner l'offensive néo-conservatrice de Hollande et Valls.
Comment peut-on se dire communiste et faire cause commune dès le premier tour d'une élection avec ceux qui programment et accompagnent les politiques néo-libérales et inégalitaires préconisées par l'Union Européenne et les milieux financiers?
Comment peut-on ne pas vouloir laisser le choix aux électeurs de voter pour une vraie gauche de transformation sociale anti-libérale, proposant une autre répartition des richesses comme condition de la satisfaction universelle des besoins sociaux et de l'égalité d'accès aux droits?
Eric Berroche et Gérard Lahellec, comme Gaëlle Abily, qui soutient aussi la candidature de Jean-Yves Le Drian, sont depuis des années des partisans des idées symbolisées par les reniements de la période Robert Hue, à savoir que le Parti Communiste serait mort et inefficace comme force populaire de transformation sociale capable de faire changer la société, mais qu'il peut encore être utile comme force électorale locale capable d'infléchir la politique sociale-démocrate dans le sens des intérêts immédiats de la population, à condition de faire le jeu du réformisme, de l'opportunisme électoral et de l'union de la gauche, quels que soient les interlocuteurs en face, même s'ils privatisent et remettent en cause les acquis sociaux, accompagnent la libéralisation européenne...
Ces camarades pensent que toute stratégie d'indépendance et de construction révolutionnaire ou de rupture qui remettrait en cause les intérêts de la conservation des postes d'élus locaux affaiblit le Parti, programme son effacement, et ne sert en rien la population et la déclinaison pratique de nos idées sociales. Ils se disent communistes et "progressistes" pour montrer le trait d'union qui les unit à leurs petits camarades socialistes, dont tout à chacun peut percevoir l'étendue du "progressisme".
Ils sont les produits d'une certaine culture du Parti construite dans les années 80 avec l'union de la gauche et l'affaiblissement électoral et historique qui valorise à l'excès au détriment du combat social et de la lutte des classes le pragmatisme et la notabilité électorale, les postes d'élus, les egos des élus. En réalité, ils sont complètement insérés dans le système et n'ont plus rien de subversif pour leurs amis socialistes. Leurs exigences s'arrêtent à ce que leurs camarades socialistes sont prêts à accepter. Quelques déclamations verbales pour montrer leur originalité communiste et prêter corps à l'illusion d'une union de la gauche réellement plurielle, beaucoup de ronds-de-jambe, et de trop nombreux silences complices par rapport aux traductions régionales ou communales de la politique austéritaire et libérale promue par le Parti Socialiste.
Nous autres, les communistes attachés à la transformation globale de la société et à la lutte contre le capitalisme et ses serviteurs, nous sommes perçus par eux comme des chimériques ou des gauchistes, des gens qui se payent de mots, qui n'ont pas le sérieux et l'intelligence nécessaires pour gouverner avec les gens pragmatiques qui savent faire et tenir les comptes.
Malheureusement pour eux, la majorité des militants communistes restent des révolutionnaires, des passionnés de droiture, d'égalité, de souveraineté démocratique, de justice sociale.
Ces gens là tenaient les fédérations du Parti Communiste en Bretagne pendant des années jusqu'à 2011, gouvernant les Fédérations selon leurs intérêts et les principes de promotion d'une politique communiste définie de manière socialo-compatible, fédérations placées sous la direction d'un cabinet fantôme qu'ils contrôlaient. En 2010, ils avaient réussi à imposer dans des conditions peu démocratiques une association du Parti Communiste avec la liste de Le Drian, contre la stratégie nationale du Front de Gauche. Heureusement, la moitié des communistes bretons, surmontant les réflexes loyalistes et légitimistes qui n'avaient plus lieu d'être quand les dés étaient pipés d'avance et la stratégie nationale battue en brèche par un courant de pensée huiste, avait construit et suivi la liste du Front Breton de Gauche conduite par le maire communiste d'Hennebont, Gérard Perron. Cela a été la base de la construction du Front de Gauche en Bretagne.
En 2011, la Fédération du Morbihan faisait sa révolution et changeait ses dirigeants, Daniel Gilles et consorts (Marc Cozilis) quittant un Parti qui ne suivait plus docilement la ligne gauche plurielle et la fidélité à leurs intérêts de carrière.
En avril 2015, les militants communistes du Finistère ont changé leur direction départementale en particulier, mais pas seulement, parce qu'elle était par trop complaisante avec la politique d'alliance avec le PS promue par Eric Berroche, Gérard Lahellec, Gaëlle Abily.
En juin 2015, la Conférence Régionale du PCF avec ses 70 représentants bretons a donné un mandat clair à plus de 90% pour une liste anti-austérité, anti-libérale, avec le Front de Gauche, sur des bases de rupture avec les logiques d'accompagnement du système. 90% des militants communistes bretons ont appuyé cette stratégie.
Malgré cela, les élus régionaux sortants menés par Gérard Lahellec et Eric Berroche, qui n'ont pas participé au débat et au processus de construction régionale car ils savaient que leur point de vue étaient archi-minoritaire et voulaient pouvoir se victimiser alors qu'ils négociaient déjà sans aucun mandat avec Le Drian, ont contredit sans aucun complexe les orientations nationales, régionales et départementales de leur Parti pour défendre leurs intérêts de carrière et continuer à satisfaire leurs egos en mal de notabilité. Au passage, ils oublient que la politique pour un communiste ne doit pas être perçue comme une profession et un moyen d'élévation sociale.
Depuis, sans ramener beaucoup de voix communistes très certainement à la liste de Le Drian, ils participent d'une opération, coutumière à Jean-Yves Le Drian, visant à semer la confusion dans l'électorat et à servir de caution communiste et union de la gauche, à cette liste archi-dominée par les libéraux du PS. Et comme Gérard Lahellec et Eric Berroche sont reconnaissants pour la place éligible que leur offre Papa Le Drian, ils se mettent en quatre pour afficher leur soutien prétendument motivé, malgré les apparences, par la sincérité de leur engagement communiste. En témoignent ces prospectus qui manient avec indécence l'art du paradoxe et de la réconciliation des contraires où Lahellec et Berroche s'affichent en pleine page avec Le Drian et se proclament "candidats communistes et progressistes", base d'un futur groupe communiste et progressiste au Conseil Régional alors qu'ils ne représentent qu'eux-mêmes et leurs intérêts égoïstes.
Tout cela est bien triste mais secondaire, c'est un épiphénomène et un vestige embarassant d'une époque révolue : le fait important, c'est que 90% des communistes veulent d'une autre politique et d'un autre rôle pour le Parti Communiste que celui de satellite d'un PS qui poursuit sa dérive libérale conservatrice.
Ismaël Dupont
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