L’éditorial de Patrick Apel Muller : "En constitutionnalisant l’état d’urgence, le tandem gouvernant signe sa reddition devant l’idéologie sécuritaire et une défaite pour la démocratie. "
François Hollande n’a pas résisté à l’appel du vide. En choisissant d’inscrire la déchéance de la nationalité pour les binationaux au cœur de la Constitution, le président a renié deux siècles de combats de la gauche pour une nation fondée sur l’égalité républicaine. Derrière ce qui semble au premier regard une vengeance dérisoire et inefficace face à des crimes monstrueux, s’installe la mise en cause du droit du sol, l’instauration de citoyens de seconde zone, de Français en sursis. La dernière fois que ce fut tenté en France, ce fut par Pétain dont le régime procéda à 15 000 dénaturalisations et 500 déchéances de nationalité, tandis que 110 000 juifs d’Algérie étaient réduits de l’état de citoyens à celui de sujets. Le précédent dit assez la nuisance du ver introduit dans le fruit.
En lui cédant tout, le pouvoir a gagné… le soutien de la droite et le contentement du FN, qui voit ses thèses validées au plus haut niveau et qui juge que François Hollande a choisi « Marine plutôt que Christiane ». Pauvre Mme Taubira, passée du statut de conscience de la gauche à celui d’avaleuse de serpents. Toutes convictions ravalées, elle sera d’ailleurs sur le plateau du Parlement pour défendre un texte gouvernemental qui flatte les réactions les plus bornées, en assistante de Manuel Valls. Grandeur et misère.
En constitutionnalisant l’état d’urgence, le tandem gouvernant signe sa reddition devant l’idéologie sécuritaire et une défaite pour la démocratie. Ce n’est plus dans la politique et l’État de droit que la République puise les forces de résister au fanatisme assassin, mais dans leur abandon ou le recours aux seuls pouvoirs de police. C’est la France qui est ainsi affaiblie, la nation qui est fracturée, son message universel flétri. Le choix de l’indignité.
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