LE TELEGRAMME – Jeudi 26 novembre 2015
Régionales 2015
Une gauche pacifiste et populaire... Un programme basé sur « l'humain »... Au cœur de la gauche et la gauche au cœur, Xavier Compain, chef de file du Front de gauche et ses colistiers, - « tous de vrais travailleurs » - battent la campagne pour démontrer ce que « faire de la politique autrement » peut apporter à la Bretagne.
« Il y aura un avant et un après vendredi 13 novembre 2015. Ça a changé. On le sent depuis la reprise de la campagne », confie Xavier Compain, avant d'ouvrir la réunion publique organisée à Plérin (22), ce soir-là.
Thème : la culture. Mais, patience. Avant d'entrer dans le vif du sujet, le candidat et ses amis du Front de gauche souhaitent laisser la parole au public. « Comme hier à Dinan (22), on débute par un temps de parole sur les attentats, si les gens le souhaitent. Et c'est le cas car on ressent un réel besoin d'échanger sur ces cruels événements ». Au-delà de l'hommage aux victimes, l'occasion pour le Front de gauche d'affirmer son attachement à des solutions politiques et son « rejet d'une logique de guerre ». « Le lien avec la culture et l'éducation sont évidents. Ce sont des outils de lutte contre le terrorisme en tant que modes d'émancipation et d'ouverture d'esprit », souligne Xavier Compain, devant un auditoire sur la même longueur d'ondes.
« Quelqu'un de bien »
En revanche, le début de journée a été plus difficile. L'ambiance du marché de Binic (22) est au diapason d'un ciel plombé gris chagrin : « Moi, je suis pour le Front mais pas le même ! », lance, tout à trac, en refusant un tract, un monsieur à casquette, visiblement peu disposé à entamer la conversation. Pas de quoi émouvoir Marie-Anne, qui affiche un calme olympien derrière un joli sourire entendu. Revenue en retraite en Bretagne, en 2000, l'ancienne maire communiste de Corbeil-Essonnes - battue par Serge Dassault en 1995 - en a vu d'autres. La militante n'a rien perdu de ses convictions : « J'ai levé le pied mais je suis toujours là pour les coups de main pour les campagnes. C'est important d'aider les p'tits jeunes qui en veulent. Xavier, c'est quelqu'un de bien »
« Pas enjoué »
À deux pas, Xavier Compain s'active à nouer le contact et à entamer la discussion avec les chalands : « C'est plus difficile depuis vendredi. On rencontre moins de monde sur les marchés. L'atmosphère n'est pas enjouée, même ici, en Bretagne, ça pèse ». Mais la spontanéité du candidat redonne le sourire. Et de glisser un tract dans le sac d'une jeune femme : « Je vous le mets avec vos courses. Vous ferez le tri mais attention, c'est consommable frais ». Au fil de la matinée, les rencontres se font plus nombreuses. Tel cet électeur socialiste de longue date qui se sent « trahi et n'a plus confiance en François Hollande ». Ou ce monsieur à fort accent : « Vous êtes du sud ? » « Oui, mais j'habite ici et je m'occupe d'une école de rugby ».
Ah, le rugby ! « Un sport que j'ai pratiqué pour le goût du contact. En première ligne, j'étais servi », raconte Xavier Compain. Un sens de l'engagement qui le pousse à vouloir sortir de la mêlée et à marquer l'essai au soir du premier tour. Jusque-là, pas question de mollir mais d'intensifier la campagne avec, en point d'orgue, le meeting de la Fête de l'Huma Bretagne, ce week-end à Lanester (56). À la fois pour porter la parole d'une gauche « qui n'a pas abdiqué face à la finance et à la dictature du marché » et s'enrichir des rencontres (retraités d'EDF, salariés de la Sagem à Fougères (35) ou lycéens, vendredi dernier) pour adapter un programme évolutif.
« Regarder au-dessus de son talus »
Un programme en quinze actes : « On ne réinvente rien. Simplement du bon sens. On sait qu'une région ne peut tout faire et on ne dit pas que rien n'a été fait. Mais on peut effectuer des choix différents. Vaut-il mieux gagner dix minutes supplémentaires en train entre Paris et Brest ou construire les cinq lycées dont la Bretagne a besoin ? En tout cas, on souhaite contribuer à une Bretagne qui permette aux jeunes de travailler au pays, une Bretagne forte de sa culture et de ses langues mais ouverte sur le monde. Car il est plus que jamais indispensable de regarder au-dessus de son talus... ».
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Génération Mandela
« Je me reconnais dans la génération Nelson Mandela. J'étais jeune communiste. On n'a pas eu beaucoup de victoires à cette époque-là, mais, celle-là, on peut en être fier. Nous avons contribué à faire sortir Nelson Mandela de prison et il est devenu président d'une nation arc-en-ciel. Ça me parle car je retrouve cette démarche au Front de gauche ». Une gauche sociale et populaire que Xavier Compain revendique pleinement, nourri d'une culture familiale de l'engagement (des parents ouvriers-paysans) enrichi d'une forte expérience dans le syndicalisme agricole, dont deux mandats de président du Modef - le premier à 25 ans - qui le mèneront à la rencontre de paysans du Brésil, du Mali ou du Maroc. « Une fantastique ouverture sur le monde. On voit les choses autrement, après ». Pour bâtir sa liste et son programme, Xavier Compain n'a pas été chercher un « cabinet conseil de l'austérité » ni des professionnels de la politique : « En tête des listes, nous avons un salarié de chez Gad, un cheminot, un docker. Notre programme est destiné à des gens qui se lèvent tôt pour aller travailler, souvent pour peu d'argent et aux chômeurs... Il faut reconquérir la classe populaire, lui redonner sa place afin que la détresse ne la pousse pas à s'abandonner dans des votes populistes nationaux ou régionaux ».
Gauche pacifiste
Le Costarmoricain se revendique aussi d'une gauche pacifiste, qui conteste les orientations « guerrières du gouvernement : ce n'est pas en allant faire la guerre ni en vendant des armes qu'on résoudra le problème du terrorisme. Il faut assécher les sources de financement de Daesh. Mais, aussi plus fondamentalement, lutter contre l'accaparement des ressources par la finance et les multinationales. Car le problème de fond est bien une crise systémique du capitalisme qui génère misère et injustice. La solution est politique et passe par l'aide au développement et un partage des richesses ». Partage qui doit aussi être de règle dans « une Bretagne qui protège socialement », « via des services publics garantissant un accès à la santé en tout point du territoire, aux transports, à la formation et à la culture ». Un aménagement du territoire harmonieux cher à celui qui vit « entre terre et mer », se partageant entre Bulat-Pestivien (22) et sa maison de famille sur la côte du Goëlo. Et s'il admet que la Région ne peut assumer cet aménagement, faute de moyens, Xavier Compain considère qu'elle peut décrocher des aides et se battre pour obtenir des dotations de l'État et de Bruxelles, « notamment, en ce moment, pour pouvoir accueillir décemment des migrants qui fuient guerres et misère ».
En quelques dates
24 mai 1966. Naissance au Mans (72). 1984. Adhésion au PCF. 1986. Adhésion à l'Unef (union nationale des étudiants de France). 1989. Adhésion au Modef (mouvement de défense des exploitants familiaux, devenu confédération syndicale agricole des exploitants familiaux), puis président de 2003 à 2009. 2009. Membre de l'exécutif du PCF, chargé de l'agriculture, de la pêche et de la forêt.
Des aides sous conditions
« Ce sont les TPE et PME qui créent de l'emploi. Ces petits patrons veulent gagner leur vie et, ceux-là, on a envie de les soutenir. Pas les grands groupes qui empochent les aides publiques puis licencient et délocalisent ». Le Front de gauche est partisan des aides publiques en matière économique, mais sous conditions. Égalité de salaire homme/femme, bonnes conditions de travail (« En Bretagne, il existe encore des entreprises dignes de Zola ») et approvisionnement breton, autant que possible... telles sont les exigences qui seraient associées à des aides délivrées par un Fonds régional de formation et de financement alimenté par des fonds publics, des banques mutualistes et de l'épargne populaire. Aides destinées également à un rééquilibrage des activités économiques sur le territoire et à des secteurs à développer, telles la construction navale ou l'automobile propre.
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