Tout a commencé par une minute de silence émue, debout, en hommage aux 130 victimes des massacres terroristes de Paris, aux blessés et à leur famille.
La première délibération à l'ordre du jour ensuite était un avis sur le "Schéma départemental de coopération intercommunale" présenté en fin d'année par le préfet pour appliquer les objectifs d'agrandissement des communautés de commune ou d'agglomérations, de suppression des petits syndicats de gestion de l'eau et de secours au profit des mutualisations à marche forcée et d'un agrandissement des périmètres. Ce "Schéma départemental de coopération intercommunale" (document accessible sur le lien suivant: urlz.fr/2DYV) prévoyait comme projet de fusion et de transfert de compétences sur le territoire de Morlaix Communauté:
a) eau potable
Fusion du syndicat des eaux de Lanmeur, du syndicat des eaux du Val de Pen ar Stang et du SIVOM de Morlaix Saint Martin des Champs à Morlaix Communauté au 1er janvier 2017 (le syndicat des eaux du Val de Pen ar Stang et le Sivom de Morlaix Saint Martin des Champs ayant une compétence mixte eau et assainissement, leur fusion implique le transfert concomittant de la compétence assainissement).
b) assainissement collectif
Fusion du syndicat des eaux du Val de Pen ar Stang et du SIVOM de Morlaix Saint-Martin des Champs à Morlaix Communauté le 1er janvier 2017
c) GEMAPI
Fusion du syndicat mixte de gestion des cours d'eau du Tregor et du pays de Morlaix au syndicat mixte d'aménagement et de gestion du Haut Léon au 1er janvier 2017
d) Dissolution des syndicats d'incendie et de secours de Lanmeur et de St Thégonnec
e) Reprise par Morlaix Communauté du syndicat de voirie Lanmeur Plouigneau".
Au départ Jean-Luc Fichet et sa majorité comptaient bien aller très vite vers la gestion communautaire de l'eau potable et de l'assainissement pour, en tant que bons élèves de la Réforme Territoriale conçue par leur mentor, Marylise Lebranchu, bénéficier d'une baisse de dotation moins importante que pour les mauvais élèves, ce gouvernement maniant la carotte et le bâton sur fond de relation punitive aux collectivités locales, lourdement mises à contribution pour satisfaire les objectifs libéraux de baisse de la dépense publique et d'austérité que s'est fixé le gouvernement PS pour complaire au monde de la finance et respecter le Traité européen ultra-libéral (le TSCG, ce fameux traité Merkel-Sarkozy) qu'il a ratifié sans référendum en 2012.
Finalement, s'engager trop rapidement au transfert vers Morlaix-Communauté de la compétence gestion de l'eau assumée aujourd'hui par divers syndicaux inter-communaux, en raison des modes de gestion différents, des nombreuses complexités techniques de la mutualisation, et du poids financier des choix pris en termes de facilitation de ce transfert, s'est avéré trop hasardeux et le bureau des maires, sur pression notamment probablement de Morlaix (les élus du Front de Gauche avaient voté avec la droite une délibération en Conseil Municipal de Morlaix pour ajourner ce transfert), a décidé d'engager les élus communautaires à porter un avis négatif sur le transfert de ces compétences pour le 1er janvier 2017. C'était une sage décision.
Et c'est ce que j'ai commencé par dire lors de mon intervention, la première après la lecture et l'explication de la délibération:
" Je salue la sagesse de cette décision à laquelle je m'associe. Toutefois, sur le fond, il faut rappeler que ce "schéma départemental de coopération intercommunale" s'inscrit dans le cadre d'une réforme territoriale autoritaire qui poursuit des objectifs libéraux de réduction de la dépense publique plutôt que de renforcement de la qualité des réponses aux besoins locaux des habitants et de la démocratie de proximité. Cela passe paradoxalement souvent par de la recentralisation, avec les services de l'Etat à la baguette et des lois couperets pour empêcher les collectivités de garder leurs prérogatives et leur maîtrise sur leurs coopérations, par des mutualisations imposées par le chantage d'une baisse moindre des dotations d'Etat à court terme, chantage qui fonctionne d'autant mieux que ces baisses de dotations d'Etat sont d'une ampleur inédite: - 9% de dotations pour Morlaix en 2016 (-450000€), - 800 000€ pour Morlaix Communauté cette année... Le but: que les collectivités compriment leurs dépenses salariales, leurs dépenses d'investissement, qu'elles fusionnent ou suppriment des services locaux et mutualisent pour faire la peau à la France des 36000 communes, spécificité nationale et républicaine que pour notre part nous estimons être une chance et un élément important de notre lien social et de notre vitalité démocratique. Bientôt, beaucoup de mairies de communes rurales ne seront plus que des guichets d'état civil, les centres de décision s'éloignent du citoyen qui perd son lien avec les lieux de décision, son pouvoir de contrôle et d'information. Surtout, concrètement, on peut penser que le passage à marche forcée à la gestion à l'échelle communautaire de l'eau potable et de l'assainissement ne va pas servir l'objectif d'une gestion publique de l'eau, l'échelle de gestion étant très importante, comme le nombre de personnels impliqués, ce qui dans un contexte d'austérité et de volonté de comprimer la masse salariale, dans un contexte ou face à la technicité de certains dossiers les élus préfèrent se désengager sur les entreprises qui "savent faire" même si elles servent avant tout les actionnaires, va avantager les multinationales de l'eau. Or, il existe actuellement des syndicats travaillant en régie publique pour l'assainissement et l'eau potable sur le territoire de Morlaix Communauté. Pour la dissolution de l'autonomie des centres locaux de secours et d'incendie, on peut se demander si cela ne prépare par leur suppression pure et simple au profit d'une gestion plus centralisée et professionnelle. La proximité en matière de secours et d'incendie pour réagir à temps est essentielle. Les centres de secours et d'incendie sont aussi des éléments importants de la vitalité des territoires et du lien social. Pour notre part, au Front de Gauche et au Parti Communiste, nous ne voulons pas de cette réforme territoriale qui déshabille les communes et les services publics sans que cela soit justifié par une optimisation du service rendu aux habitants et une meilleure prise en compte de leurs besoins, mais seulement par un objectif d'économie et de réaménagement du territoire en pôles plus importants plus en moins en concurrence les uns avec les autres".
Jean-Luc Fichet a dit qu'il assumait tout à fait les objectifs de la réforme territoriale et de la mutualisation des compétences, moyen pour lui de mieux servir les habitants. Il a dit que ces débats lui rappelaient ceux qu'il y a eu 20 et 15 ans plus tôt sur les lois Chevènement et Voynet. Mêmes postures, mêmes arguments.
Agnès Le Brun a dit qu'elle était en partie d'accord avec moi, en partie pas d'accord. Elle n'a rien contre la loi Notre en tant que telle. Par contre, elle est pour la défense de cette communauté socle qu'est la commune. La plupart des communes sont prêtes à évoluer mais il ne faut pas que cela ne soit que descendant, que la directive vienne d'en haut. Il y a aussi une erreur fondamentale selon Agnès Le Brun: croire que + on fait grand, + on gère à l'échelon supérieur, moins ça coûte cher. Quand les choses se font brutalement, quand on va trop vite sur les transferts de compétence sur la collectivité plus importante, cela peut aussi coûter plus cher, le service que l'on rend aux habitants.
A l'issue de ce débat, la délibération pour refuser le plan de mutualisation de la préfecture a été refusé à l'unanimité.
Par rapport à la prolongation de la concession en DSP de l'aéroport Morlaix-Ploujean, j'ai évoqué la manifestation du samedi précédent contre la création de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes à Landivisiau et rappelé que, si cet aéroport devait se construire, il est à redouter que beaucoup de petits aéroports de proximité à l'ouest breton soient mis en difficulté et voient leur utilisation réduite. La fréquentation de l'aéroport de Morlaix n'étant déjà plus ce qu'elle était il y a 30 ans.
Sur la délibération relative aux lancements des études sur les modes de gestion des transports en commun à Morlaix Communauté et sur la construction d'un nouveau schéma de transport j'ai dit ma surprise de voir que le débat n'avait pas véritablement commencé alors que les échéances de terme du contrat DSP avec Kéolis et en affermage avec les compagnies de cars locales approchent. J'ai exprimé ma crainte qu'une nouvelle fois les études ne pré-programment la décision et dispensent du débat politique en amont que doivent avoir les élus pour construire notamment un réseau de transports périurbains qui colle aux défis écologiques et énergétiques et réponde aux besoins de mobilité de la population. Il faut plus de temps pour que les élus se saisissent de ce dossier et débattent, pas seulement au sein de la commission transports, mais aussi en conseil communautaire, et qu'ils reviennent vers les citoyens pour faire la remontée des besoins, des propositions d'amélioration, et que les citoyens soient associés à ces questions fondamentales pour l'avenir du territoire. J'ai regretté l'orientation vers une rédéfinition du schéma transports à moyens constants seulement, alors qu'une véritable ambition en matière de transports sur ce territoire impliquerait de revoir à la hausse le budget transports en commun. J'ai exprimé que ce budget transports devrait être une priorité de ce mandat, notamment par la création d'un réseau péri-urbain et rural de transport plus dense, régulier, accessible entre Morlaix et les autres communes périphériques de la Communauté, et entre les autres communes entre elles. Dans un cadre budgétaire contraint, il est à craindre que les améliorations ne se fassent qu'à la marge. Les transports devraient être intégrés à une réflexion plus large sur les politiques et les priorités de Morlaix Communauté.
En fin de conseil, j'ai lu la question orale du Front de Gauche sur l'avenir de Tilly Sabco - question que Jean-Luc Fichet m'avait accordé de poser 4 jours avant mais que contrairement aux usages, il n'a pas fait taper et imprimer pour tous les conseillers communautaires l'aient sous les yeux au moment d'en discuter, ce qui m'a obligé moi-même à lire la question orale sur le téléphone de mon voisin et collègue de l'opposition morlaisienne, Jean-Paul Vermot. J'ai précisé avant de lire la question qu'elle avait été envoyée avant l'annonce dans la presse de la nouvelle prise de participation de la CCI de Morlaix, désormais actionnaire majoritaire. La question gardait néanmoins une pertinence puisqu'elle amenait le Président à s'expliquer sur ce qui s'était passé les mois précédents, sur ce qu'avait fait Morlaix-Co pour rappeler aux actionnaires leurs devoirs d'investissements correspondant à leurs promesses de départ, sachant que Morlaix-Co est cautionnaire pour la CCI, et quels sont les perspectives d'avenir pour Tilly Sabco.
Question orale sur la situation à Tilly Sabco - présentée par Ismaël Dupont *
Le 16 juin 2014, lors de la reprise de l’entreprise Tilly Sabco par la nouvelle SAS Tilly Babco Bretagne, suite à la décision du tribunal de retenir l'offre MS Foods/Breizh Algae/CCI Morlaix, Morlaix-communauté avait pris la décision d’apporter sa caution à cette reprise sous la forme d'une garantie de 500 000€ pour la CCI de Morlaix, à l'époque actionnaire minoritaire avec 2 millions d'euros engagés dans un plan de reprise et de restructuration de Tilly Sabco, en cas de défaillance.
Le projet de reprise comportait plusieurs volets, notamment celui de la mise en place du “poulet sans antibiotique grâce aux algues”,ainsi que celui du “poulet Halal”.
Dans ce cadre la nouvelle direction de Tilly Sabco Bretagne, avait assuré à l'époque que le programme d'investissements pour la réorientation de l'activité de l'entreprise serait réalisé pour le mois de juillet 2015.
Après le dépôt de bilan, dont 120 salariés avaient fait les frais et qui s'étaient retrouvés sans réelles perspectives dans leur bassin d'emploi, nous espérions que la réorientation prise par les repreneurs au sein de la nouvelle entreprise Tilly Sabco Bretagne allait constituer l'amorce d'un virage dans le sens que nous préconisions, à savoir d'une part vers une production non exclusivement axée sur le poulet congelé export, et une orientation de la production dans le sens de la qualité et de la diversification.
Or, à ce jour, à moins de deux mois de la clôture du premier bilan de la SAS Tilly Sabco Bretagne, force est de constater que les engagements pris par la direction, dans son ensemble, n'ont pas été respectés, que les investissements promis n’ont pas été réalisés, et que l’on ne voit se dessiner aucune perspective sérieuse de réorientation de l'activité.
Notre préoccupation est donc très vive face à cette situation, qui est grave de conséquences, en premier lieu pour les salariés de l'entreprise Tilly Sabco Bretagne eux-mêmes dont l'emploi n'est pas garanti, mais aussi pour le secteur de l'agroalimentaire, ou de ce qu'il en reste, et bien entendu pour toute la vie économique et sociale de Guerlesquin , de Morlaix communauté, du département et de la région Bretagne dans son ensemble.
Pour ces raisons, je vous saurais gré, Monsieur le président, d’apporter votre éclairage sur la situation exacte et les difficultés éventuelles rencontrées par l'entreprise, et indiquer les dispositions concrètes que vous comptez prendre, dans le cadre de vos prérogatives, pour favoriser la réalisation des investissements promis et le démarrage de l'activité dans la direction qui était projetée.
* Cette démarche fait suite à la lettre adressée à la CCI par la section PCF du Pays de Morlaix et son secrétaire de section, Daniel Ravasio, lettre restée sans réponse même si la presse nous informe ce week-end des changements dans l'actionnariat et du manque de fiabilité de l'actionnaire OLMIX de Tilly Sabco que nous avions pressenti. Avec quelle garantie pour l'avenir de l'entreprise et les salariés? Quelle réflexion sur une nécessaire réorientation de l'activité? Quel droit de regard des salariés et prise en compte de leur point de vue et de leurs intérêts?
Voici la première réponse de Jean-Luc Fichet:
" Cette question est importante. L'évolution du dossier Tilly Sabco est surveillée avec beaucoup d'attention. Des investissements étaient en effet prévus pour le milieu de l'année 2015 et n'ont pas été faits, ce qui génère beaucoup d'inquiétudes chez les salariés. Le dossier n'avance pas avec la société Olmix et le choix fait récemment a été que la CCI reprenne très temporairement l'actionnariat, et devienne majoritaire à 66%, à côté du groupe MS Food qui détient toujours 33% du capital. Tilly-Sabco Bretagne est aujourd'hui en position de lancer des investissements de 2,5 millions d'euros sur le poulet frais. Olmix n'est pas écartée du projet, la recherche sur le poulet aux algues continue, mais a besoin de temps, tandis que la société Tilly Sabco a besoin d'investissements immédiats. 220 emplois ont été maintenus sur le site; les personnes ayant perdu leur emploi sont toujours accompagnées dans leur recherche d'emploi par Sodie, installée dans un bureau de Morlaix-Communauté. L'objectif est de redonner sa pleine puissance à cet outil agro-alimentaire, et éventuellement d'augmenter le nombre d'emplois pour récupérer les emplois perdus. On a tout lieu d'être optimiste aujourd'hui quant aux décisions prises. Il y a une volonté de la CCI de faire très rapidement les investissements, ce qui va permettre d'avoir des conditions de travail optimisées. Morlaix Communauté avait apporté sa caution auprès de la CCI quand il a fallu soutenir la fiducie de Tilly Sabco avec Ecomiam sur les fonds de Daniel Sauvaget qui a deux entreprises en parallèle. Cette caution est toujours activée et s'appuie sur une société qui rejoint Ecomiam et fera l'objet d'un remboursement si le million d'euros de la CCI était mobilisé. Ces fonds ne sont pas mobilisés pour le moment et peuvent l'être pendant 5 ans. S'ils sont mobilisés, la caution de Morlaix Communauté vient à la hauteur de 500 000€. Pour l'instant, c'est le statut quo. L'aide de Morlaix Communauté est donc une aide financière par caution auprès de la CCI, la mise à disposition de locaux pour les personnes qui n'ont pas trouvé de travail, l'accompagnement à la recherche de nouveaux investisseurs, car la CCI n'a pas vocation à demeurer actionnaire de Tilly Sabco Bretagne. Son objectif est de trouver des partenaires privés pour les 33% du capital qu'elle vient de racheter à Olmix mais aussi pour les 33% restants de façon à ce que la société prenne son autonomie complète. Ce que l'on peut dire de Tilly Sabco aujourd'hui, c'est que le marché est là, il y a les compétences, les actionnaires qui sont présents, et les bonnes décisions sont prises. Les perspectives se dessinent, mais le poulet aux algues demandera plus de temps que prévu. On doit souligner l'implication remarquable de la CCI sur ce dossier".
Voici ma reprise d'intervention suite à la première réponse de Jean-Luc Fichet: "j'ai cru comprendre que pour qu'il y ait une relance des aides à l'investissement dans l'abattoir, il faudrait qu'aucun des actionnaires n'ait plus de 24% des parts. Il faudrait donc que la CCI se désengage de ses parts au profit de partenaires privés. Des noms circulent qui demandent à être confirmés. Il est tout de même regrettable que les salariés, dans leur droit d'observation, d'information, de contrôle, aient été tenus à l'écart de ces jeux et de ces différends capitalistes entre les différents actionnaires de Tilly-Sabco. Ils ont pendant des mois travaillé dans des conditions de sous-emploi sans savoir à quelle sauce ils allaient être mangés; la collectivité n'était pas là pour les rassurer ou leur donner des garanties, les représentants syndicaux n'avaient pas accès à toutes les informations. Cela pose largement la question du pouvoir de contrôle et d'intervention des salariés dans les entreprises. On ne peut plus faire une confiance aveugle au patron, quelle que soit sa réputation de bonnes intentions et de compétence".
Jean-Luc Fichet m'a demandé alors de "corriger mes propos". Selon lui, c'est: circulez, il n'y a rien à voir. "Les salariés ont été associés et informés. La situation est difficile. Les actionnaires sont présents. D'ailleurs Corinne Nicole, "déléguée" de la CGT, donne un avis très favorable à ces informations et se satisfait de toutes les décisions qui sont prises. Il y a lieu de croire, selon Jean-Luc Fichet, que si elle donne ce satisfecit, c'est qu'elle et son syndicat sont informés, comme le sont les autres syndicats. La collectivité joue pleinement son rôle pour Jean-Luc Fichet, maintenant, "ce sont les actionnaires qui décident de l'actionnariat et des investissements à faire", "il ne faut pas faire de procès là où il n'a lieu d'être".
Tout va donc pour le mieux, dans le meilleur des mondes!
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