Groupe Communiste, Républicain et Citoyen
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Les sénateurs du groupe CRC se sont majoritairement abstenus (11 abstentions, 8 approbations), lors du vote du projet de loi prorogeant l’application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.
Discours d'Eliane Assassi le 20 novembre au Sénat:
Des dispositions dont on voit les limites et les dérives pour notre démocratie
Des dispositions dont on voit les limites et les dérives pour notre démocratie
Il y a tout juste une semaine allaient se produire, des attentats d’une violence inouïe dans notre capitale. Quelques jours plus tard, l’émotion est encore lourde, un sentiment mêlé d’incompréhension, de profonde tristesse et d’impuissance est diffus dans l’atmosphère de notre pays meurtri, et du monde entier solidaire qui l’accompagne dans son deuil.
Dans ce climat de tension, de peur, le rôle du politique, et des membres du gouvernement et du Président de la République est primordial.
Quelques heures après ces actes de guerre, l’état d’urgence a été décrété en conseil des ministres. La gravité des événements exigeait l’application de cette disposition exceptionnelle permise par la loi du 3 avril 1955, qui – comme l’indique son premier article – « peut être déclaré […] soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».
Mais s’il est incontestable que la situation pendant et juste après les attentats exigeait l’état d’urgence, permettez-nous d’émettre un doute quant à sa prolongation de 3 mois.
Le « péril imminent » et la « calamité publique » que pointe l’article 1er nous invite à nous questionner sur l’installation dans la durée de cette mesure exceptionnelle qui vient affecter l’équilibre des pouvoirs au bénéfice de l’exécutif.
Nous estimons, bien entendu, que des mesures très larges doivent être prises pour faire face à la situation, mais ne peuvent-elles pas l’être par le biais de notre droit commun, avec un contrôle de l’autorité judiciaire ?
En parallèle à l’action nécessaire, il est de la responsabilité du politique, d’autant plus issu de la gauche progressiste de se montrer autrement rassurant, en réaffirmant certaines valeurs et en éclairant les débats.
Si nos concitoyens sont demandeurs de sécurité, c’est avant tout pour pouvoir continuer de jouir de leurs libertés.
N’est-ce pas précisément pour conserver leurs libertés que nos concitoyens souhaitent une intervention de l’état ? Et dès lors cette intervention ne devrait-elle pas s’apparenter à autre chose qu’à une surenchère sécuritaire qui dépasse l’objet de l’urgence ?
Réduire nos libertés, n’est-ce pas là le projet politique et idéologique de DAESH ?
Vous nous accorderez le droit, M. le Ministre, de nous interroger.
La clé de voûte de ce projet de loi semble reposer sur une immense confusion pour les parlementaires et pour les citoyens : on nous enjoint de voter pour une loi supposée contre le terrorisme, alors qu’il s’agit en réalité d’une loi sur l’ordre public, d’une loi gravée dans le marbre pour les années à venir qui pourra s’appliquer à d’autres situations, à d’autres états d’urgence.
Il s’agit avec cette loi de suspendre pendant trois mois l’état de droit, de mettre en parenthèse la chaîne judiciaire.
Je souhaiterais ici essayer d’être claire et précise pour que nos concitoyens sachent exactement de quoi nous débattons aujourd’hui.
Le projet de loi en lui-même nous pose simultanément deux questions :
1) souhaitons-nous prolonger l’état d’urgence qui, en l’état de la loi du 3 avril 1955, est limité à 12 jours, à 3 mois ?
2) souhaitons-nous modifier le contenu de cette même loi, en intégrant de nouvelles dispositions sécuritaires ?
— Si sur l’extension temporelle de l’état d’urgence, comme je l’ai évoqué plus tôt, la réponse n’est pas évidente. Il faut tout au moins permettre au Parlement d’être informé, mais aussi d’interrompre par un vote l’état d’urgence.
— Elle l’est encore moins sur les modifications matérielles de la loi.
Si nous pouvons nous féliciter de la suppression de la censure de la presse et de l’instauration d’une information du parlement, nous ne partageons pas la défiance généralisée à l’égard de notre système judiciaire qu’instaure plusieurs dispositions, notamment issues de l’Assemblée nationale, telle que :
— l’élargissement du régime d’assignation à résidence à toute personne dont le comportement semble menaçant, accompagné de mesures de placement sous surveillance électronique mobile (le fameux bracelet électronique).
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux », écrivait déjà l’un des pères fondateurs des États-Unis, Benjamin Franklin.
Votre phrase, M. le Ministre, la première des libertés, c’est la sécurité, c’est d’être réfléchie au regard de l’histoire du XXe siècle. Lorsque vous reprochez à certains députés de « s’enfermer dans le juridisme », est-ce acceptable dans l’enceinte où se rédige la loi ? Seul le pouvoir exécutif détiendrait-il le pouvoir d’écrire cette loi. Le débat doit avoir lieu, c’est la force de la Démocratie, c’est notre force face au djihadisme.
Nous nous opposons à ces dispositions dont on voit aisément poindre les limites et les dérives pour notre démocratie. Et notre opposition est d’autant plus ferme que nous sommes convaincus que la solution à terme n’est pas là.
Comme le souligne l’ancien juge anti-terroriste, Marc Trévidic, dans la lutte contre le terrorisme, une seule cause majeure explique les insuffisances des forces de l’ordre : le manque de moyens humains et matériels de nos services de renseignement et de nos autorités judiciaires spécialisées.
Sur le plan extérieur, c’est la large coalition internationale sous l’égide de l’ONU qui permettra de détruire DAESH et d’enclencher la reconstruction de la région. Nous appelons l’Union européenne à agir dans ce sens.
D’un point de vue plus national, la question de la transformation profonde de la société pour renouer avec le lien social est plus que jamais d’actualité. Tous les moyens doivent être mis sur l’éducation, la culture. Comment réagit la jeunesse des quartiers dont nous avions tant parlé en janvier ? Il y a urgence, grande urgence à redonner espoir aux quartiers populaires. Rien n’a bougé depuis sur ce plan.
L’heure est grave, mais ne cédons pas à l’émotion. Les guerres sont dues à une connivence contre nature entre raison, désir et colère, explique le philosophe Alain dans son essai Mars ou la guerre jugée.
Ne cédons pas à cette colère bien compréhensible et aux facilités de la rhétorique « martiale », sous couvert de l’unité nationale, de l’union sacrée qui, rappelons-le, M. le Premier Ministre, a permis les massacres de 14-18 après l’assassinat de Jaurès.
En rappelant que la pluralité des points de vue est la pierre angulaire de notre démocratie que ces assaillants terroristes veulent détruire, permettez-moi, mes chers collègues, d’opposer à ces discours de guerre une logique de paix. La lutte déterminée contre DAESH doit conduire à la paix. Il faut le dire et le redire.
Dans cet état d’esprit, nous défendrons quelques amendements pour instaurer un minimum de débat, même dans l’urgence.
Nous rappellerons que la France est attaquée parce qu’elle est symbole de liberté dans ce monde.
Le projet qui nous est soumis s’inscrit dans un projet de société qui dépasse de toute évidence, l’objectif de l’urgence. Ce projet de société n’est pas le nôtre ni celui de nombreux démocrates qui s’interrogent depuis deux jours.
L’exercice de la démocratie n’est pas facile, mais au sein de mon groupe, elle s’impose sur tous les sujets et donc sur des sujets aussi sensibles que celui sur lequel nous travaillons cet après-midi.
Ce qui nous rassemble est fort. C’est ce qui nous permet d’avoir quelques fois des votes différenciés et de les respecter.
Ce sera le cas aujourd’hui avec des abstentions et des votes en faveur de ce texte.
Détail du débat au Sénat le 20 novembre:
Mme Éliane Assassi . - Il y a tout juste une semaine allaient se produire des attentats d'une violence inouïe dans notre capitale. L'émotion est encore forte, l'atmosphère est encore lourde, pleine de tension, de peur et d'incompréhension.
L'attitude du Gouvernement et des pouvoirs publics est fondamentale. L'état d'urgence a été déclaré aussitôt. Autant il était nécessaire pendant les attaques, autant la prolongation de cet état d'urgence au-delà de douze jours modifie l'équilibre de nos institutions. D'autant que le droit commun offre déjà des moyens d'agir.
Les Français souhaitent que l'Europe intervienne.
Mais réduire nos libertés, n'est-ce pas, précisément, ce que souhaite Daech ? (Murmures de réprobation sur plusieurs bancs, notamment sur certains bancs du groupe socialiste et républicain)
Sous couvert d'une loi destinée à lutter contre le terrorisme, on vote une loi sur l'ordre public et l'on suspend l'État de droit. La question est la suivante : faut-il étendre l'état d'urgence ?
M. Philippe Dallier. - Oui !
Mme Éliane Assassi. - Faut-il pour autant revoir le cadre législatif de l'état d'urgence ?
M. Philippe Dallier. - Oui !
Mme Éliane Assassi. - Si les contrôles sur la presse ont heureusement été supprimés, le groupe CRC déplore le caractère disproportionné des assignations à résidence, du port des bracelets électroniques et d'autres mesures privatives de liberté.
Pourquoi donc seul l'exécutif s'arrogerait-il le droit d'écrire ce texte ? À cause de l'urgence ? Non, le débat doit avoir lieu, dans l'enceinte dont le rôle est précisément de rédiger la loi, quelles que soient les circonstances ; c'est la force de la démocratie, c'est notre force contre le djihadisme.
Pour le juge Trévidic, spécialiste de la lutte contre le terrorisme, la cause majeure entravant l'efficacité de nos forces de l'ordre est le manque de moyens humains et matériels. (Murmures réprobateurs sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Nous vaincrons contre Daech par l'action militaire - nous avons besoin de l'aide de l'Union européenne pour y parvenir.
Nous vaincrons par l'affermissement du lien social, par l'éducation et la culture. L'urgence est aussi de rendre espoir aux jeunes des quartiers populaires. On en a beaucoup parlé après les attentats de janvier, mais peu de changements ont été constatés depuis lors.
Oui l'heure est grave, ici comme ailleurs - voyez ce qui s'est passé au Mali ce matin. La guerre, disait le philosophe Alain dans Mars ou la guerre jugée, est le résultat d'une connivence contre-nature entre raison, désir et colère. Ne cédons pas à la colère, ne succombons pas à la facilité d'une rhétorique militaire qui sous couvert d'union sacrée a permis les massacres de 1914-1918 après l'assassinat de Jean Jaurès.(Exclamations indignées sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains)
M. Philippe Dallier. - Il faut oser !
Mme Éliane Assassi. - La pluralité d'expression est la pierre angulaire de la démocratie. Nous opposons au discours de guerre une logique de paix ; la lutte contre Daech doit conduire à la paix.
La France est attaquée parce qu'elle est le symbole de la liberté dans le monde. De nombreux démocrates s'interrogent sur le projet de société que porte ce texte, il n'est pas le nôtre. L'exercice de la démocratie, aussi délicat soit-il, s'impose sur tous les sujets, y compris les plus sensibles. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen acceptera en son sein des votes différenciés : abstentions et votes pour.(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mmes Esther Benbassa,Corinne Bouchoux et M. David Assouline applaudissent également)
M. Didier Guillaume . - La France a été attaquée, martyrisée. Mais elle est debout, parce que ses dirigeants ont été debout, ont assumé la situation. Dès vendredi soir, le président de la République a pris les bonnes décisions. Effectivement, monsieur le Premier ministre, la France ne plie pas ; vous n'avez pas plié, votre Gouvernement n'a pas plié. Le ministre de l'intérieur a été exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs à droite)
La France est debout parce que les parlementaires sont debout, qui ont lundi, à Versailles, incarné la concorde nationale. Je salue les présidents de groupe, que nous avons alors écoutés avec fierté.(Applaudissements). Monsieur François Baroin, la manifestation que vous avez organisée au nom de l'AMF a été exemplaire de dignité et de force, elle a montré que les maires étaient eux aussi debout pour assumer l'État de droit.
Les Français aussi sont debout. Ils sont inquiets et s'interrogent mais ils se sont levés, se sont rassemblés, ont témoigné leur solidarité. On a pu lire la véritable déclaration d'amour de Magyd Cherfi, de Zebda, dansLibération... La République continue, la France est belle quand elle est solidaire.
Il nous faut saluer les militaires, les policiers, les troupes d'élite, les professionnels de santé, et tout particulièrement les services de renseignement. L'opération de Saint-Denis a démontré leur efficacité.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Nous devons être fiers d'être français. Je veux dire aux jeunes Françaises et Français : soyez patriotes ! Faisons-les aimer leur pays, leur nation.
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
M. Didier Guillaume. - Car être patriote, c'est aimer son pays, tandis qu'être nationaliste, c'est détester les autres.
Daech nous attaque car la France serait décadente. Elle ne l'est pas : elle est ardente et forte, elle chante la liberté, elle aime le sport, le vin, elle aime faire l'amour... (Marques d'étonnement) La France et les Français sont libres - c'est ce qui est insupportable aux terroristes. Le premier acte de résistance, c'est de vivre pleinement nos libertés.
Ce texte a été enrichi hier dans une production tripartite ; je salue le travail des deux commissions du Parlement et leurs présidents. Cette loi donne des moyens d'action aux forces de l'ordre, offre une protection pour les piliers de la démocratie. Le groupe socialiste votera unanimement la prorogation d'un état d'urgence qui a été nécessaire, et qui le reste dans la traque sans relâche qui est en cours. Nous devons créer les conditions de notre protection : assignation à résidence, dissolution d'associations dangereuses, possibilités accrues de perquisitions... Mais il faut que l'Europe prenne ses responsabilités. Le président de la République l'a dit à Versailles. Je le dis haut et fort, l'ensemble des membres du groupe socialiste et républicain soutient l'application du PNR le plus vite possible. J'appelle tous les parlementaires européens à faire de même.
Le Sénat peut voter ce texte en étant fidèle à ses principes. L'État de droit se défend face aux crises. Accepter de perdre temporairement une once de nos libertés individuelles pour retrouver l'intégralité de nos libertés collectives, c'est ce que fait à raison cette loi équilibrée. Son vote sera un beau moment démocratique.
La République s'est construite autour des droits de l'homme. Aujourd'hui, nous les protégeons pour que nos enfants puissent en jouir sans peur et en étant fiers d'être Français.
Votons, d'abord en pensant aux victimes. Grâce à la prorogation, peut-être d'autres carnages pourront-ils être évités. Votons pour montrer que la démocratie est plus forte que le terrorisme, que le Parlement est au rendez-vous de l'histoire, que notre détermination est sans faille pour que vive la République et que vive la France, toujours et en toutes circonstances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur de nombreux autres bancs)
Mme Corinne Bouchoux . - Remercions tous ceux, professionnels civils et militaires, citoyens, qui se sont mobilisés ce week-end. Monsieur le Premier ministre, vous nous demandez de permettre à l'autorité administrative de recourir à des mesures exceptionnelles, d'entamer une liberté, l'effroi et l'émotion justifiant des amodiations que la droite de cet hémicycle ne reniera pas...
M. Éric Doligé. - Et alors ?
Mme Corinne Bouchoux. - Nous ne sous-estimons pas les atteintes aux libertés que l'état d'urgence représente. Mais nous ne sommes pas sourds à la demande de sécurité et de fermeté de nos concitoyens face à la barbarie. Nous comprenons l'utilité de poursuivre pendant plusieurs semaines les perquisitions.
C'est malgré nous que nous voterons ce texte, à cause de la violence à laquelle la France est confrontée. Il faudra cependant encadrer fortement la durée de cette prorogation, affirmer le contrôle nécessaire du Parlement. Et nous comptons sur les associations, les médias, les citoyens pour prévenir et signaler les abus. Nous nous félicitons de la suppression des dispositions sur la presse. Nous soutenons les garanties procédurales que ce texte contient.
Mais ce problème complexe ne se règlera que sur le long terme. Nous attendons plus de prévention, d'éducation, de culture, ces vecteurs du vivre ensemble. Il nous faut éviter les amalgames, vivre unis pour ne pas tomber dans le piège des terroristes, qui s'attaquent à notre mode de vie mais aussi à un pays qui mène des frappes en Syrie et en Irak. Nos alliances sont à repenser. Ils nous déclarent la guerre, nous défendons la paix. (M. Ronan Dantec applaudit)
Nous aurions dû participer à la marche pour le climat, pour rappeler qu'un accord contraignant est indispensable ; sortir de la dépendance aux hydrocarbures, c'est aussi contribuer à éradiquer le djihadisme qui se finance par la contrebande de pétrole.
Je salue la réactivité du Gouvernement et la hausse qu'il a décidée des dépenses publiques de sécurité. Neuf des dix membres du groupe écologiste voteront ce projet de loi qui ne doit en rien constituer un blanc-seing ; une prolongation trop longue de l'état d'urgence donnerait raison aux fossoyeurs de la démocratie.(Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain, RDSE)
M. David Rachline . - Une nouvelle fois, les Français ont découvert qu'ils ne sont pas en sécurité sur leur propre sol. La sécurité est la première des libertés, et c'est à l'État de la garantir. La situation actuelle sort de l'ordinaire. Aussi M. Ravier et moi-même approuvons la prolongation de l'état d'urgence, qui est un outil de l'État de droit, n'en déplaise aux idéologues du Syndicat de la magistrature.
Cependant, ne nous voilons pas la face. Trois mois ne suffiront pas. Pour faire la guerre, il faut désigner l'ennemi. Notre ennemi, c'est l'islamisme radical qui gangrène notre pays et le monde. Il repose sur une lecture intégriste de l'Islam, le wahhabisme, qui séduit dans nos sociétés individualistes et matérialistes d'où toute transcendance a disparu. Dans ce contexte, la position de l'AMF sur les crèches est une aberration, une provocation scandaleuse.
Plutôt que de stigmatiser et de caricaturer nos analyses, vous auriez dû nous écouter. Les événements nous donnent raison. Espérons qu'il ne faille pas de nouveaux drames pour que vous traitiez deux points fondamentaux occultés dans ce texte, l'immigration de masse, qui est en lien évident avec ce qui s'est passé, et l'absence de frontières. Est-ce un crime de fermer la porte de sa propre maison ? Pourquoi en irait-il autrement des frontières ? Abdelhamid Abaaoud a trouvé grandes ouvertes les portes de la maison France...
Voter ce texte ne constitue pas un blanc-seing. Il faudra répondre devant les Français de la suppression de 20 000 postes dans les forces de l'ordre durant le quinquennat de M. Sarkozy. De même, monsieur le Premier ministre, vous devez vous expliquer devant les Français après les accusations de M. Squarcini.
Nous ne gagnerons que si nous savons qui nous sommes. C'est la France éternelle qui a été attaquée, peut-être pour son « incroyance festive », selon les mots d'un journaliste de Libération, au moins tout autant pour être depuis 1 500 ans un pays chrétien! (M. Stéphane Ravier applaudit)
M. Guillaume Arnell . - Mes pensées vont d'abord vers les victimes innocentes et leurs familles ; leur souffrance, c'est la nôtre et celle de toute la Nation. Elles vont aussi vers les forces de sécurité ; elles vont à l'avenir de notre société à reconstruire : il y aura un avant et un après 13 novembre 2015.
Comme l'a dit le président Mézard au Congrès, nous vous soutenons, monsieur le Premier ministre, quand vous prenez des mesures pour assurer la sécurité de nos concitoyens, condition de l'exercice de toutes les libertés, dont celles de s'exprimer librement, d'avoir ou non une religion, de boire un verre à une terrasse, d'écouter la musique de son choix. Nous sommes contraints à avoir recours encore une fois à l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire de la République, y compris outre-mer et à Saint-Martin.
Les fanatiques sont souvent nés sur notre sol. Ils révèlent un malaise social et identitaire profond, la faillite de la politique en direction des quartiers. Il nous faut agir à la racine du mal pour tarir les recrutements. Le communautarisme fait se dissoudre le sentiment d'appartenance à la seule communauté qui compte, la communauté nationale. Le principe de laïcité de la loi de 1905 doit reprendre le dessus et irriguer toutes les politiques publiques.
La réponse passe par davantage de laïcité, par une plus stricte application de la loi. Il ne saurait être question de l'affaiblir. Ceux qui s'attaquent à nous importent sur notre territoire les conflits du Moyen-Orient et la lutte passe donc par l'éradication en Syrie et en Irak de Daech, véritable usine à terroristes.
Nous approuvons donc la réorientation stratégique annoncée par le président de la République parce que la fin, en l'espèce, justifie les moyens. Vous appliquez une formule de la Ire République : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».
M. Philippe Bas. - Très bien !
M. Guillaume Arnell. - À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Comment ne pas approuver ce texte, si nécessaire, comme en témoigne l'action des services de sécurité : assignation à résidence des individus potentiellement dangereux, dissolution des associations et groupements de fait dangereux, perquisitions.
Reste une question de procédure : quid d'une question prioritaire de constitutionnalité ? Ne faudrait-il pas saisir le Conseil constitutionnel comme pour les lois de 2014 et de 2015 sur le terrorisme et sur le renseignement ?
Les arrestations préviendront de prochaines attaques, mais ne guériront pas les esprits gangrénés par une idéologie totalitaire d'une extrême violence.
Monsieur le Premier ministre, vous avez notre soutien. Après la fin de l'état d'urgence commencera une nouvelle période qui devra continuer celle-ci.
Je veux saluer le courage et la détermination dont vous et M. Cazeneuve faites preuve. C'est à vos côtés que nous nous tenons. (Applaudissements sur les bancs des groupes du RDSE, socialiste et républicain et UDI-UC)
M. Bruno Retailleau . - Il y a une semaine le terrorisme islamiste a frappé la France pour ce qu'elle est, ses valeurs, ce qu'elle représente. Le président de la République a immédiatement pris des mesures - contrôles aux frontières et état d'urgence - que nous approuvons ; comme nous approuverons le texte que vous nous proposez, monsieur le Premier ministre. Nous le ferons parce que nous devons tous, collectivement, individuellement, être à la hauteur de l'événement. Chacun est appelé à l'esprit de responsabilité. Nous le voterons aussi parce qu'il a été préparé dans le dialogue avec les deux assemblées ; je tiens à remercier M. Bas et tous les membres de la commission des lois pour leur excellent travail.(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe UDI-UC et du groupe RDSE)
La démocratie française n'est pas désarmée. Jean-Jacques Hyest disait en 2005 que le droit français offrait au Gouvernement les moyens de répondre à des situations exceptionnelles, graduées en fonction de la gravité : article 16, articles 42 et 48 de la Constitution.
En démocratie, la tension est permanente entre liberté et ordre public. Alors qu'il nous est demandé de déplacer le curseur, c'est à nous et à nous seuls de dire si, dans la conciliation nécessaire, l'équilibre est atteint. Pour ma part, je pense qu'il l'est. Dès qu'une contrainte est alourdie, le cadre est renforcé.
Mais les trois mois passeront vite. La guerre ne sera pas terminée. Comment mieux protéger nos compatriotes ? Vous avez repris l'idée de constitutionnaliser certaines dispositions. Je l'ai dit lundi au Congrès, nous n'écartons rien mais il faut que ce soit utile. Des trois motifs que vous avez mis en avant, aucun ne paraît suffisant. Nous sommes disponibles pour l'analyse, le président Bas l'a dit.
Mais les Français ont l'esprit ailleurs. Chaque jour apporte son lot, l'enquête progresse vite, ce dont il faut féliciter le Gouvernement et les forces de l'ordre. Pour la suite, il faut partir de quelques constats.
Premier constat : le lien, parfois, entre délinquance de droit commun et radicalisation, qui doit nous amener à réorienter la politique pénale. La politique de sécurité doit concerner l'ensemble des politiques publiques.
Deuxième constat : des terroristes sous contrôle judiciaire ou faisant l'objet d'un mandat d'amener international ont pu franchir en toute impunité les frontières françaises et européennes ; comment cela a-t-il été possible ?
Troisième constat : vous l'avez reconnu, un des terroristes a profité du chaos créé par l'afflux des réfugiés... Je salue l'arrivée du ministre de l'intérieur. (M. Bernard Cazeneuve rejoint le banc du Gouvernement.Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs des groupes RDSE, écologiste et socialiste et républicain) Schengen est mort si Schengen II ne lui succède pas. Parlons de cela avant de parler de défense européenne. Les moyens de Frontex doivent être dotés au niveau de la menace.
Le président de la République est revenu devant les maires sur le droit d'asile ; le texte que nous avons voté récemment est décalé, il faut y revenir. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous aviez dit : « il ne peut pas y avoir d'humanité là où il n'y a pas de fermeté. »
Dernier constat, le plus terrible: la plupart des terroristes étaient Français. Pour eux, la France était une terre étrangère et la République une abomination. Les Français étaient leurs cibles. Ce constat renvoie à au problème de la radicalisation, aussi au rapport remis au Président de la République par le président Larcher en avril 2015, intitulé La nation française, un héritage en partage. J'en ai la conviction, nous pourrons voter toutes les lois, tous les crédits du monde, si nous ne sommes pas unis et fiers de nos valeurs, la démocratie n'est plus. La France est ce pays dont Emmanuel Levinas disait qu'on s'y attache aussi fortement par l'esprit et le coeur que par les racines. C'est cette France que nous aimons, c'est cette France qui est attaquée, c'est cette France qui vaincra. (Applaudissements sur les bancs des groupe Les Républicains, RDSE et UDI-UC)
M. Roger Karoutchi . - Cette guerre semble virtuelle : pas de troupes massées aux frontières, pas de ligne Maginot... Elle prend une forme insidieuse, fondée sur la terreur, la mort de victimes civiles, la remise en cause des valeurs de la République. Le Parlement s'incline devant les victimes, les blessés, il est solidaire avec tous ceux qui ont fait que l'horreur soit encadrée. C'est une horreur de dire qu'on encadre l'horreur...
Nous nous sommes opposés à certaines de vos politiques, nous avons fait des propositions auxquelles on reprochait de trop se préoccuper de sécurité ; comme si la sécurité n'était pas la première des libertés. Opposer les deux n'a aucun sens. Nous ne pouvons pas continuer d'avoir des frontières passoires, des terroristes qui circulent aussi librement que de paisibles touristes, une Europe certes solidaire, mais qui ne prend pas les mesures adéquates, contrôles, PNR, agence européenne de renseignement... Nous ne pouvons pas continuer à faire seuls la guerre, sans que nos partenaires ne s'impliquent. (Applaudissements sur les bancs des groupe Les Républicains, RDSE et UDI-UC)
Ce n'est pas une guerre de civilisations - où est celle qui nous fait la guerre ? Nos adversaires n'ont pas de valeurs, pas de fondements historiques, pas de références. Cette guerre contre la barbarie, il faut la gagner.(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Nous voterons la prolongation de l'état d'urgence. Nous serons à vos côtés même si nous ne mettons pas en balance pacte de sécurité et pacte de stabilité. Mais nous sommes vigilants : l'unité nationale, ce n'est pas l'unité derrière le Gouvernement, c'est la France dans toute la diversité qui doit se mobiliser.
J'attends de voir ce que sera l'inversion de la politique avec la Russie. Comptons aussi sur nos alliés dans le monde arabe.
M. Christian Cambon. - Merci le Maroc !
M. Roger Karoutchi. - N'oublions pas que les oulémas du Maroc ont signé une fatwa contre Daech.
Cette prolongation n'est pas un blanc-seing. Clemenceau le disait, la guerre, c'est faire la guerre le matin, la guerre à midi, la guerre le soir, sinon on ne gagne pas. Nous comptons sur vous, nous serons à vos côtés pour défendre la France, ses libertés, ses valeurs ; comptez sur notre vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, au centre ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit aussi)
M. Manuel Valls, Premier ministre. - La sécurité, c'est la première des libertés. C'est ma conviction depuis que je suis devenu parlementaire. Sans sécurité, il n'y pas de libertés, c'est la loi de la jungle dont les plus faibles et les plus modestes sont les premières victimes.
Nous nous étions interrogés collectivement, après l'affaire Merah, avec la première loi anti-terroriste ; nous avions décidé de ne pas aller plus loin, notamment sur la presse. J'avais parlé d'ennemi intérieur et d'ennemi extérieur, partant de l'analyse de la police de New-York après le 11 septembre. Le phénomène était nouveau : les terroristes étaient français. Il y a un an, le 13 novembre 2014, vous adoptiez une autre loi anti-terroriste. Il y avait 52 Français en Syrie en mai 2013, 217 fin 2013, 394 en 2014 et 570 quand j'ai pris mes fonctions... La tentative d'attentat contre une épicerie cachère le 19 septembre 2012 à Sarcelles a sonné comme un avertissement. Nous n'avons eu de cesse de mobiliser les ministres de l'intérieur des autres pays européens pour avancer sur le PNR et le contrôle aux frontières.
Monsieur Rachline, je ne sais si vous avez eu raison sur toutes ces dernières années ; ce que je sais, c'est que vous vous opposez au PNR et vous êtes opposé à la loi sur le renseignement... (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Le Parlement ne donne pas tout pouvoir au Gouvernement. Nous ne proposons pas des mesures d'exception mais des mesures exceptionnelles, dans le cadre de l'État de droit, pour protéger les libertés et la démocratie.
Le contrôle des frontières, l'immigration, le système judiciaire, le ministre de l'intérieur y reviendra. Le Gouvernement est prêt à aller plus loin, après le choc de ces violentes attaques, pour répondre aux attentes des Français et des familles des victimes.
Monsieur Bas, à ce stade je suis réservé à l'idée d'une saisine du Conseil constitutionnel. Il y a toujours un risque à le saisir.
M. Jean-Claude Lenoir. - Et un risque à ne pas le faire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Le risque, cette fois, serait de faire tomber les 786 perquisitions et les 150 assignations à résidence. Nous ne nous cachons pas que certaines dispositions sont constitutionnellement fragiles. On pourrait attendre une question prioritaire de constitutionnalité, je ne le souhaite pas. Il faut aller vite et adapter notre loi fondamentale au fait que nous sommes en guerre, une guerre qui va durer. Il y a l'Irak, la Syrie, la Libye ; Daech est partout.
Je tiens à vous dire, monsieur Karoutchi, que, malgré les tensions que nous avons pu avoir avec le Maroc, jamais la coopération entre nos services de renseignement n'a cessé. Nous avons le même ennemi : le terrorisme. Le Maroc a payé un lourd tribut.
Le changement majeur dans la politique extérieure tient aux attentats. Il y en a eu deux. D'abord le fait que les Américains nous donnent désormais davantage d'informations pour frapper Daech. Ensuite, comme je l'ai dit à M. Raffarin, le fait que la perception des Russes a changé à cause des attentats de Paris : ils ont reconnu qu'eux-mêmes ont été victimes d'un attentat : leur avion abattu par Daech dans le désert égyptien.
Madame Assassi, élue de Seine-Saint-Denis, vous connaissez bien le terrain de la radicalisation, comme moi en Essonne. Je suis aussi attaché que vous à la démocratie, à l'État de droit, aux libertés. Le rapprochement avec la guerre de 1914-1918 ne tient pas : des États affrontaient des États. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Notre ennemi est un terrorisme venu aussi de l'intérieur qui bafoue les valeurs universelles. Face à lui, la seule solution est l'union sacrée. Loin d'être un piège, ce sera notre force. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et UDI-UC, ainsi que sur plusieurs bancs à droite)
La discussion générale est close.
M. le président. - En application de l'article 60 de notre Règlement, je demande un scrutin public sur l'ensemble de la loi.
Discussion des articles
ARTICLE 1
Mme Natacha Bouchart . - La France a été attaquée, frappée dans sa chair, de manière aveugle, par un adversaire lâche, pour ce qu'elle représente et que le monde nous envie : la liberté. Le temps n'est pas celui de la politique. Il est au rassemblement autour de la prolongation de l'état d'urgence. J'aurais aimé six mois. Il faut aussi recueillir des empreintes digitales des migrants, à Calais comme ailleurs. Nous devons savoir qui entre et qui sort de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Bariza Khiari . - Paris est cette ville de toutes les couleurs qui défie le communautarisme étriqué. Sa jeunesse a payé un lourd tribut. Mais Paris restera Paris. C'est sans doute pour cela que l'on retrouve le roman d'Hemingway Paris est une fête parmi les fleurs et messages déposés pour rendre hommage aux victimes.
Pour prospérer, les barbares ont besoin du chaos La force de notre République tient à l'État de droit. Le respect et la protection des libertés publiques, des conditions essentielles pour que perdure le contrat démocratique. Mais, dans les circonstances exceptionnelles auxquelles nous devons faire face, c'est aussi notre talon d'Achille. C'est pourquoi, je souscris pleinement à la prolongation de l'état d'urgence
Il importe de soutenir les musulmans de France qui ne sont pas dans des solidarités absurdes mais prônent un islam spirituel, libre et responsable. Ils peuvent être la voix d'un contre-discours à celui des terroristes.(Applaudissements)
M. Alain Joyandet . - Comment ne pas soutenir l'action des pouvoirs publics, a fortiori quand ils reprennent à leur compte des propositions que nous faisions depuis des mois ? Le président de la République change de discours. Dont acte. Depuis des mois, les Républicains demandaient un rapprochement avec la Russie et le contrôle des frontières. Nous demandions aussi une fermeture des mosquées prônant un islam radical. Rien à ce sujet dans le discours du président de la République à Versailles. (On le conteste à gauche) Après ce dramatique vendredi 13 novembre, après la stupéfaction, les Français sont en colère. Ne laissons pas cette colère s'amplifier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Alain Gournac . - La démocratie se défend discrètement, disait celui qui siégea longtemps à la droite du Général de Gaulle. Arrêtons-en avec la repentance et les doutes. Trop longtemps la majorité bien-pensante a refusé de voir la réalité et s'est aveuglée. Nous voilà contraints de faire rimer ce beau nom de France avec état d'urgence.
En 1935, Thomas Mann disait : « Tout humanisme comporte un élément de faiblesse qui tient à son mépris du fanatisme, à sa tolérance et à son penchant pour le doute, bref, à sa bonté naturelle ; un élément de faiblesse qui peut, dans certains cas, lui être fatal. Ce qu'il faudrait aujourd'hui, c'est un humanisme militant, un humanisme qui découvrirait sa virilité, et se convaincrait que le principe de liberté, de tolérance et de doute, ne doit pas se laisser exploiter et renverser par un fanatisme dépourvu de vergogne et de scepticisme ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
L'article premier est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 3 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le cas échéant, le Parlement au terme de trente jours d'état d'urgence se prononce sur sa poursuite. »
M. Christian Favier. - L'information du Parlement ne suffit pas. Seul représentant légitime du peuple, il doit avoir la capacité d'interrompre l'état d'urgence au terme d'un mois.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La guerre contre Daech sera longue... J'avais pensé demander d'emblée une prolongation de l'état d'urgence pour six mois. Je me suis ravisé, pensant que l'autorisation parlementaire pourrait être renouvelée après trois mois.
Une cadence d'un mois, trop court, plongerait les forces de l'ordre dans l'incertitude sur les moyens dont elles disposent. Avis défavorable tout en vous assurant de notre détermination à contrôler l'application de cette loi.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - Nos objectifs se rejoignent : l'article 4-1 sur l'information du Parlement vous donne satisfaction. Par souci d'efficacité, les forces de l'ordre ont besoin de temps. Hier, nous avons déclenché des perquisitions administratives, grâce auxquelles ont été récupérées des armes. Il faudra en déployer d'autres pour retirer toutes les armes aux mains des terroristes.
M. Christian Favier. - L'information du Parlement n'est pas équivalente à un débat suivi d'un vote pour décider du maintien ou non de l'état d'urgence.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté, ainsi que l'article 3.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et M. Reichardt.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute personne intégrée à la catégorie intitulée « Atteinte à la sûreté de l'État » du fichier des personnes recherchées est également inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes créé par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
Mme Nathalie Goulet. - Voici un amendement d'appel. Le Sénat s'est saisi très tôt de la question du terrorisme. Dès 2014, avant les attentats de Charlie Hebdo, nous créions une commission d'enquête.
Afin d'accroître l'efficacité de la lutte anti-terroriste, cet amendement intègre au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), fichier permanent et automatisé, les personnes intégrées à la catégorie intitulée « Atteinte à la sûreté de l'État » - dites fiches « S » - du fichier des personnes recherchées (FPR).
Pourriez-vous m'écouter, monsieur le ministre, et pas seulement M. Assouline ?
Il n'est pas normal non plus que la police de l'air et des frontières ne dispose pas du fichier des passeports ou cartes d'identité déclarés perdus.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes recense les personnes effectivement condamnées ou mises en examen. Le fichier « S », lui, est purement administratif : il couvre les personnes surveillées parce que suspectées. Néanmoins, comme vous, je pense qu'il faut resserrer l'étau. Cela peut passer par une surveillance renforcée des personnes fichées « S ».
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Rien, madame Goulet, ne peut me distraire de l'attention que je vous porte, même pas M. Assouline. (Rires) Je l'écoutais d'une oreille et je vous accordais l'autre.
Merci pour cet amendement auquel M. Bas a donné une réponse juridique rigoureuse et imparable qui ne souffre aucune objection. Il aborde un sujet abondamment discuté au Conseil justice et affaires intérieures de ce matin : les fiches « S ».
M. le président. - Peut-être pourriez-vous en profiter pour faire le point sur ce Conseil.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Très volontiers.
L'efficacité du renseignement dépend de sa discrétion. Elle serait amoindrie par la proposition de certains de faire porter un bracelet électronique aux personnes fichées « S » : celles-ci seraient ainsi informées du fait que l'on a l'oeil sur elles.
Nous avons un problème européen : le SIS, système d'information Schengen, doit systématiquement être alimenté, et par tous les pays, des signalements. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, ce qui nous fait perdre un temps considérable pour le suivi des terroristes. Voilà le vrai sujet.
Nous avons fait trois propositions ce matin, reprenant celles que nous avions formulées il y a dix-huit mois. L'Union européenne perd beaucoup de temps à prendre des décisions puis à les appliquer. Cela suffit.(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, au centre et à droite) Le temps du terrorisme est celui de l'urgence.
En janvier, le Parlement européen ne voulait pas du PNR ; il l'a adopté en février mais en le vidant de son contenu sur le délai de conservation des données ou sur la nécessité de prendre en compte aussi les vols intérieurs. Ce n'était pas sérieux ! Ce matin, le Conseil justice et affaires intérieures a accepté de remettre le métier sur l'ouvrage, en trilogue entre le Conseil, la Commission et le Parlement.
Ensuite, le trafic d'armes. De grands experts économie nous expliquaient que ce commerce est comparable à celui de n'importe quel produit de consommation. C'est absurde ! J'ai obtenu la révision de la directive 91 avant la fin de l'année et proposé un plan d'action pour l'immédiat. Cela a été approuvé. (Applaudissements sur les mêmes bancs)
Enfin, le contrôle aux frontières coordonné et systématique. Il y a dix-huit mois que nous avons demandé des contrôles systématiques aux frontières de l'Union européenne, ce qui ne nécessite pas une révision de l'accord de Schengen. S'il doit y avoir modification de Schengen, c'est juste pour que ces contrôles soient obligatoires avec interrogation du SIS. J'ai indiqué très clairement que la France conserverait un contrôle renforcé à toutes ses frontières tant que la menace terroriste n'aurait pas été levée et que c'est la France seule qui en apprécierait le moment. (Applaudissements sur les mêmes bancs)
« Une grande confiance n'empêche pas une petite méfiance » dit-on en Normandie. (Sourires) Il faudra rester vigilant. J'étais cependant ému ce matin par le soutien de mes collègues européens qui, pour nous témoigner leur solidarité, se sont tous exprimés en français - que certains ont appris dans la nuit.(Applaudissements sur les mêmes bancs ainsi que sur quelques bancs CRC)
Mme Nathalie Goulet. - Je m'incline mais la question reste posée. Amedy Coulibaly, pour ne prendre qu'un exemple, était fiché. Cela ne l'a pas empêché de passer à l'action.
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
ARTICLE 4
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Je voterai sans état d'âme cet article comme l'ensemble du texte. Sans doute faudra-t-il proroger certaines mesures au-delà de l'état d'urgence, les perquisitions administratives par exemple.
Autre question, comment détecter ces filles et fils de France qui se retournent contre la mère patrie ? Les signaux sont faibles. Donnons-nous les moyens de les capter.
M. Philippe Bas, rapporteur . - En sept jours, 800 perquisitions ont été effectuées. Elles relevaient de la procédure administrative. Pour autant, la procédure judiciaire n'est pas totalement absente. Je remercie le Gouvernement et l'Assemblée nationale d'avoir accepté ma proposition sur la présence de l'officier de police judiciaire. Des clarifications sont cependant nécessaires.
De mon point de vue, l'article 59 du code de procédure pénale interdisant une perquisition judiciaire avant 6 heures du matin ne s'appliquera pas. Mais si l'officier de police judiciaire saisit une pièce à conviction, il devra en référer au parquet. Les perquisitions pourront avoir lieu non seulement au domicile mais aussi dans les véhicules des suspects. Enfin, ces mesures sont temporaires.
Pouvez-vous me confirmer cette interprétation ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Oui, nous sommes tout à fait d'accord : des perquisitions de nuit, une justice qui reprend ses droits dès qu'une infraction est constatée, des mesures temporaires puisque liées à l'état d'urgence.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Au terme d'un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel peut être saisi par soixante députés ou soixante sénateurs ou par un groupe parlementaire, aux fins d'apprécier si les conditions fixées à l'article premier de la présente loi demeurent réunies.
« Il se prononce par un avis qu'il rend dans les moindres délais. Il procède de lui-même à cet examen après soixante jours d'application des mesures édictées au titre de la présente loi. » ;
M. Éric Bocquet. - Pour renforcer la démocratie, nous reprenons une proposition du rapport Balladur sur l'article 16 de la Constitution.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Proposition intéressante mais qui ne peut trouver place dans cette loi, puisqu'elle est de nature constitutionnelle. Avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Votre préoccupation est légitime : il faudra introduire des modalités de contrôle de la prorogation de l'état d'urgence dans la Constitution. Cependant, cela ne peut se faire que par une révision de la Constitution, non par une loi simple.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'amendement n°3 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics
par les mots :
dont le comportement est dangereux pour la sécurité ou l'ordre public
Mme Laurence Cohen. - Cessons d'instiller des critères d'ordre subjectif dans notre droit, s'agissant de décisions privatives de liberté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Si vous voulez punir une personne ayant commis un crime ou un délit, vous empruntez la voie judiciaire. L'assignation à résidence est une mesure de police administrative, qui peut être appliquée en cas de doute sur une personne, considérée comme menaçante, afin de la surveiller plus commodément et de l'avoir, si j'ose dire, sous la main. Ne confondons pas la police judiciaire, à visée punitive, et la police administrative, qui a trait à la surveillance. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
Mme Laurence Cohen . - Merci pour ces explications, précises, mais qui ne nous convainquent pas. Dois-je ajouter que cette loi est tout sauf mineure ? Il est légitime de débattre de chacune de ces mesures privatives de liberté. Le droit d'amendement, droit constitutionnel des Parlementaires, doit s'exercer.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 7
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
huit
M. Christian Favier. - Quelle est l'utilité d'allonger à 12 heures l'obligation de rester dans son domicile, en cas d'assignation à résidence, alors que la personne doit déjà se présenter trois fois par jour au commissariat ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - En pratique, la durée de l'assignation à domicile variera au cas par cas, et ne s'élèvera pas automatiquement à 12 heures, qui correspond à un plafond. Avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Votre amendement revient au projet initial du Gouvernement. Le débat a été long à l'Assemblée nationale sur cette mesure introduite par un amendement qui n'est pas issu de notre majorité. Un équilibre a été trouvé. Si l'on veut le consensus le plus large, respectons-le.
Mme Laurence Cohen. - Alors on ne peut plus rien dire !
M. Christian Favier. - Si les députés sont parfaitement légitimes lorsqu'ils font des propositions, le Sénat a aussi le droit de s'exprimer : nous maintenons notre amendement.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 13, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cette interdiction est levée dès qu'elle n'est plus nécessaire ou en cas de levée de l'assignation à résidence.
Mme Marie-France Beaufils. - Le dispositif d'assignation à résidence prévu par ce texte est accompagné d'une mesure d'interdiction de contact direct ou indirect avec certaines personnes. La modification de l'Assemblée nationale permet de maintenir cette interdiction après la levée de l'assignation à résidence, en revenant au texte originel.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable. Conservons l'équilibre atteint à l'Assemblée nationale.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
Mme Marie-France Beaufils. - Nous ne votons pas une loi pour les seuls trois mois prochains ; nous devons nous projeter dans l'avenir.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'alinéa 13
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cas d'une prorogation de l'état d'urgence pour une durée de trois mois, la personne assignée à résidence est présentée au juge des libertés et de la détention, à l'expiration d'un délai de trente jours.
« Après audition de l'intéressé, le juge des libertés et de la détention décide de la prolongation ou non de l'assignation à résidence, et des obligations imposées à l'intéressé lors de cette prolongation.
« Cette prolongation peut être autorisée à deux reprises pour une durée de trente jours.
« Les décisions du juge des libertés et de la détention sont susceptibles de recours devant le premier président de la cour d'appel, ou son délégué, qui statue dans le délai de quarante-huit heures.
Mme Laurence Cohen. - Nous transposons au dispositif d'assignation à résidence, les dispositions prévues par notre droit des étrangers, à l'article L. 122-1 et suivant du CESEDA : le juge administratif est garant de la légalité de l'assignation à résidence, le juge judiciaire est garant des libertés en application de l'article 66 de la Constitution.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cette procédure est inutile. Le plus efficace pour contester une assignation à résidence est de saisir le juge administratif. Avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
L'amendement n°4 n'est pas défendu.
M. Alain Richard. - Notre débat a prouvé que la loi sur l'état d'urgence contient des dispositions d'ordre constitutionnel, touchant aux pouvoirs du Parlement. Il semble donc logique d'ajouter à l'article 36 de la Constitution, en conservant les dispositions actuelles sur l'état de siège, un second alinéa pour régler cette question.
Mme Laurence Cohen. - À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Certes. Mais nous ne voulons pas instaurer un régime d'exceptions prolongé. D'autant qu'il comporte de nombreuses mesures attentatoires à nos libertés publiques : assignation à résidence, augmentation du quantum des peines, dissolution des associations ou groupements suspects d'atteinte grave à l'ordre public.
Nos amendements ont été rejetés. Le contrôle du Conseil constitutionnel aurait été un minimum. Un contrôle démocratique des mesures d'urgence est en effet nécessaire. Nous ne sommes pas les seuls à l'exiger : même un amendement d'une députée UDI tendant à créer une commission de contrôle parlementaire a été rejeté. Nous voterons contre l'article 4.
Relisons Patrick Chamoiseau : « la sécurité absolue n'existe que dans les fictions totalitaires ; le déshumain glacial, jamais dans les démocraties »
M. Philippe Dallier. - Vous savez de quoi vous parlez !
M. Jean-Claude Lenoir. - Certains opposent, à mauvais escient, à mon sens, liberté et sécurité. Mme Assassi a cité erronément Benjamin Franklin pour justifier sa position. Je souhaiterais rétablir la vérité sur cette citation. Elle ne provient pas des travaux préparatoires à la Constitution de 1776, mais d'un discours antérieur, lequel se référait à un conflit très local entre fermiers, datant de 1755. Quant à la citation exacte, la voici : « Ceux qui peuvent renoncer à une liberté fondamentale au profit d'une petite sécurité temporaire ne méritent ni l'une ni l'autre ». Nous n'en sommes heureusement pas là !
(Applaudissements au centre et à droite)
M. René Vandierendonck. - Grâce à l'action conjuguée des présidents des commissions des lois des deux chambres du Parlement, pour la première fois, alors que nous en sommes tout de même à la sixième application de l'état d'urgence sous la Ve République, le Gouvernement a accepté un contrôle au long cours des conditions de sa mise en oeuvre. J'ajoute que l'on doit au président Bas, mais aussi au président Urvoas, d'avoir écarté les amendements qui étaient prêts, à l'Assemblée nationale, sur le contrôle de la presse. C'est dire, monsieur le Président du Sénat, si le bicaméralisme a bien fonctionné !
M. le président. - Je n'en doutais pas !
M. Marc Laménie. - Je me réjouis que nous parvenions à un quasi-consensus sur ce texte indispensable. C'est la preuve d'une prise de conscience bienvenue. Je voterai l'article 4 tel que la commission des lois l'a justement adopté.
Mme Hermeline Malherbe. - Un journal affirmait ce matin que les Français seraient prêts comme jamais à sacrifier une partie de leurs libertés pour leur sécurité, au nom de la lutte contre le terrorisme.
Au contraire, les Français sont si attachés à leurs libertés, et souhaitent tellement jouir de leur plein exercice, qu'ils veulent vivre en sécurité.
Ce texte n'est pas nullement d'inspiration droitière, mais apporte la preuve d'une réponse républicaine et laïque, dans le respect de nos valeurs démocratiques.
C'est en votant ce projet de loi que nous préserverons nos libertés, notre art de vivre. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et au centre)
M. Éric Doligé. - Merci à M. le ministre et aux collègues qui voteront ce texte qui nous redonne de la liberté. Dans mon département, 40 jeunes sont revenus de Syrie. Ils détiennent des armes. Parce que leur liberté de circulation ne sera plus totale, nous serons désormais plus libres d'aller et venir dans certains quartiers de la périphérie d'Orléans... (Applaudissements à droite)
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je voterai évidemment cet article. Néanmoins je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la place des douanes dans le dispositif.
M. David Assouline. - Sénateur de paris, habitant depuis longtemps dans le quartier touché par ces attentats, je tiens à souligner combien le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'intérieur ou le procureur de la République ont su, grâce à leur prises de parole, en mettant des mots précis, professionnels, justes, sur cette situation exceptionnelle, alors que les pires rumeurs pouvaient circuler sur internet, créer le consensus, la cohésion, la confiance. Cette loi était attendue.
Le Parlement a bien fait son travail, a pris ses responsabilités, en supprimant notamment le contrôle sur la presse. Je rappelle que les premiers attentats ont visé à travers Charlie Hebdo, la liberté d'expression, la liberté de la presse et des médias. Il fallait la défendre. Rien ne serait pire, pour toutes nos libertés, que l'autocensure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Sophie Primas. - Quelle volte-face !
L'article 4 est adopté.
L'article 5 demeure supprimé.
Les articles 6 et 7 sont successivement adoptés.
Interventions sur l'ensemble
M. François-Noël Buffet . - Pour notre pays, nos valeurs, nos concitoyens à qui nous devons une réaction forte, le groupe Les Républicains votera ce texte. Je remercie les présidents des commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale : ils ont su trouver le bon équilibre et assurer la sécurité juridique de ce texte.
Merci aussi à tous les services mobilisés depuis le 13 novembre. Winston Churchill disait au président Roosevelt en 1941 : « Donnez-nous des outils, et nous finirons le travail ! ».
Monsieur le ministre, le Parlement vous donne à présent les outils pour agir. À vous, dès lors, de continuer le travail, de les utiliser sans faiblesse jusqu'à l'anéantissement des terroristes. Nous serons à vos côtés.(Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Nathalie Goulet . - Ayant présidé la commission d'enquête du Sénat sur le djihadisme, je sais combien la tâche est difficile, et je salue particulièrement les actions des forces de l'ordre. La découverte d'armes ce matin à Alençon et à la Ferté-Macé, en lien avec Fabien Clain, nous rappelle que cela n'arrive pas « qu'aux autres » ! Le terrorisme, cet ennemi polymorphe, est de plus en plus malin, à mesure que nous adaptons notre propre panoplie de moyens pour lutter contre lui. Oui, cette guerre nous concerne tous et doit tous nous mobiliser. Le groupe UDI-UC votera ce texte.
Mme Esther Benbassa . - La France traverse une épreuve douloureuse. Je m'incline solennellement devant les victimes et leurs familles. Les Français doivent être protégés. Comme le montrent Robert Badinter, Maître Henri Leclerc, la Ligue des droits de l'homme, le syndicat de la magistrature, entre autres, l'État de droit n'est pas un état de faiblesse. Faut-il pour autant un régime d'exception ? Réviser notre Constitution ? Risquer une prorogation indéfinie de l'état d'urgence ? Permettez-moi de vous faire partager mes interrogations, mes doutes...
Notre droit actuel semble suffisant pour lutter efficacement. Oui, je doute de la nécessité d'un si long état d'urgence. Comme historienne, je me souviens des abus de la période 1961-1963. (Marques de désapprobation à droite) Nous n'en sommes heureusement pas là, mais j'exprimerai publiquement mon doute, ce soir, alors que tous les autres membres du groupe écologiste voteront ce texte, en m'abstenant.
M. Jean-Pierre Sueur . - L'ensemble du groupe socialiste votera ce projet de loi. Les assassins avaient pour ordre de tuer des Français et des personnes vivant en France. N'importe qui, n'importe où, n'importe quand. Nous savons que cela peut recommencer à tout moment. Dans ces circonstances, ce texte était nécessaire. Il est mesuré.
Les conditions du port du bracelet électronique sont conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Interdire les sites faisant l'apologie du terrorisme est une mesure responsable et nécessaire. La liberté de la presse est maintenue. Quant au Parlement, il sera informé et assurera son contrôle, semaine après semaine, conformément à l'article 4-1 de la loi du 3 avril 1955, tel qu'il a été rédigé, grâce au président de la commission des lois, au troisième alinéa de l'article 4 du projet. Ainsi nous concilions sécurité et libertés.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs à droite)
Mme Leila Aïchi . - En dépit de nos préventions, des risques pour nos libertés individuelles et publiques, auxquelles nous sommes très attachés, de l'extension continue du tout répressif, je voterai ce texte en conscience, en responsabilité. Mais celui-ci ne doit pas nous dispenser d'une réflexion globale, stratégique, multidimensionnelle sur le devenir de notre société et sur notre politique étrangère. Combattons tous ceux qui veulent nous diviser, pour donner enfin tout son sens à notre devise : liberté, égalité, fraternité.(Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)
M. Martial Bourquin . - A peine une semaine après la première réaction de stupeur qui nous a tous saisis, nous pouvons apprécier combien le président de la République a très vite et très bien pris les choses en main, à la suite de la proclamation de l'état d'urgence. Les terroristes ont été éliminés ou pourchassés. Nous avons face à nous une armée. Éradiquer Daech prendra du temps.
La prolongation de l'état d'urgence était nécessaire. Les Français attendaient que nous prenions nos responsabilités pour les protéger.
Je rends hommage aux forces de l'ordre et à tout le personnel soignant. Face à une armée qui n'a que faire de nos libertés, ce texte équilibré s'impose, pour les sauvegarder, en faisant vivre nos valeurs et notre devise républicaines, ainsi que la laïcité.
Mme Éliane Assassi . - Le groupe CRC rend hommage à toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour sauver des vies, ainsi qu'à nos forces de police et de gendarmerie. La France a de grands services publics. Nous pouvons en être fiers ! Or ceux-ci souffrent : réductions d'effectifs...
M. Jean-François Husson. - Ce n'est pas le moment !
Mme Éliane Assassi. - Si, justement ! Trop facile de les féliciter en parole et de réduire leurs crédits. Il faut protéger les services publics.
M. Jean-François Husson. - Et privés !
Mme Éliane Assassi. - Naturellement ! La situation exige des réponses. C'est pourquoi nous avons voté l'article premier qui prolonge l'état d'urgence. Toutefois, nous voulions un meilleur équilibre entre sécurité et libertés. Dommage que nos amendements aient été repoussés pour parvenir à un vote conforme, exigence qui a pesé sur nos débats, en procédure accélérée.
Nous l'avons assez dit, sur nos bancs mais sur d'autres aussi à gauche... Légiférer vite sous le coup de l'émotion n'est pas de bonne méthode. (Protestations à droite) Mais nous prenons nos responsabilités, sans transiger avec nos principes. C'est pourquoi aucune sénatrice ni aucun sénateur du groupe communiste républicain et citoyen ne votera contre ce texte.
Monsieur Lenoir, la fameuse phrase de Benjamin Franklin n'est pas tout à fait telle que vous l'avez prétendue. Je cite : « Ceux qui peuvent renoncer à une liberté essentielle pour obtenir un peu de sécurité temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité »... (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
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