LES GRANDS ENJEUX POUR NOTRE PLANÈTE, PAR GÉRARD LE PUILL
L’HUMANITE DIMANCHE – jeudi 15 octobre
LE MEILLEUR BILAN CARBONE DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE TIENT PLUS DES DÉLOCALISATIONS QUE DU COMPORTEMENT VERTUEUX DES DÉCIDEURS.
À l'approche de la conférence de Paris sur le climat, les déclarations des décideurs politiques dans la presse traduisent un faible niveau de conscience des changements à opérer dans la manière de produire et de consommer pour freiner le réchauffement climatique durant le siècle en cours. Pour mesurer l'ampleur de ces changements, il faut bien voir quels sont les grands secteurs qui continuent d'augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les pays développés.
En France, les transports sont le premier secteur émetteur de GES avec environ 27 % des émissions. Mais plus de 92 % des émissions de ce secteur sont imputables aux transports par la route et 57 % de ces dernières émanant des transports routiers le sont par les voitures particulières. Faut-il s'en étonner dans un pays qui compte plus d'une voiture pour deux habitants et qui voit la distance moyenne entre le lieu d'habitat et le lieu de travail augmenter de 4 % tous les ans alors que beaucoup de gens n'ont que la voiture pour se rendre au travail. Pour réduire les émissions de GES, il faudrait diminuer considérablement le nombre de voitures et de camions sur les routes, sans même parler des autocars que la loi Macron met en concurrence avec le rail.
Nous parlerons de covoiturage la semaine prochaine avant d'évoquer les semaines suivantes ce qu'il est possible de faire dans des secteurs comme l'habitat, l'industrie, l'agriculture où des changements sont aussi à introduire. L'habitat et les bureaux sont à l'origine de 17,7 % des émissions de GES, surtout quand ils utilisent du gaz et du fioul pour le chauffage. Mais si on ajoute la consommation énergétique imputable à la construction des bâtiments chaque année, cela fait 23,5 % des GES émis en France. Les réduire passe aussi par un long processus. Cela suppose la construction d'écoquartiers avec des immeubles à faible consommation énergétique. L'isolation des bâtiments anciens nécessitera des aides directes aux bailleurs sociaux comme aux ménages non imposables qui ne pourront pas profiter des mesures de défiscalisation susceptibles d'être mises en place. Le bilan carbone de l'industrie a diminué en France, ces trente dernières années, pour ne représenter que 17 % environ des émissions de GES.
Mais cela tient davantage aux délocalisations de la production dans les pays à bas coûts de main-d’œuvre qu'à des comportements vertueux chez bon nombre d'industriels qui ferment des usines de construction récente chez nous quand la main-d’œuvre est moins payée ailleurs. Ceux et celles qui ont perdu leur emploi à l'occasion d'une fermeture d'usine le savent mieux que quiconque.
Le bilan carbone de l'agriculture devra aussi diminuer. Il est responsable de 24 % des émissions dans le monde et d'un peu moins de 20 % en France. Dans ce secteur, il est possible de produire mieux avec beaucoup moins d'engrais, de labours et de construction de bâtiments énergivores. Là encore, les marges de progrès sont énormes. Mais on fait souvent le contraire de ce qu'il faudrait faire en refusant de résoudre les crises par l'agroécologie