Débat des Régionales entre candidats sur les langues régionales, la Bretagne.
La semaine passée, la commission des lois du Sénat a décidé qu'il n'y avait pas lieu de délibérer sur le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. La question sera débattue le 27 octobre, en séance publique, par les sénateurs qui devraient suivre cette demande, qui rend impossible toute révision de la constitution. La Commission des lois a une nouvelle fois estimé « qu'accepter la révision constitutionnelle proposée par le Gouvernement imposerait de déroger aux principes constitutionnels auxquels la France est attachée, l'unité de la République et l'égalité des citoyens ».
(Le Télégramme).
La veille de la manifestation de Carhaix samedi, une soirée d'échanges est organisée au théâtre Max-Jacob, à Quimper, à partir de 18 h 30, en deux temps.
La projection d'une interview vidéo du magistrat Yvon Ollivier par Hubert Coudurier (pas précisément des progressistes, Yvon Ollivier étant un nationaliste pur et dur) permettra de poser les enjeux. Jacques Lescoat, universitaire, et Gilles Denigot évoqueront la question de la réunification de la Bretagne.
Le débat, animé par la journaliste Muriel Le Morvan, réunira ensuite les représentants des principales listes aux régionales : Isabelle Le Bal (Liste Le Fur), Christian Troadec, René Louail (Europe Écologie Les Verts), Paul Molac de la liste Le Drian et Xavier Compain (Front de gauche).
Pour Rappel:
Déclaration du PCF sur la ratification de la charte européenne des langues et cultures régionales ou minoritaires
Le PCF favorable à la ratification de la charte des langues régionales (4 juin 2015 :http://www.pcf.fr/71621)
Le président de la République vient enfin de décider de demander au Parlement de réviser la constitution pour permettre la ratification de la charte européenne des langues régionales et minoritaires. Sans en faire l’alpha et l’oméga de notre position sur ce sujet, les communistes qui militent pour la reconnaissance des langues et cultures régionales depuis de très nombreuses années, sont favorables à cette ratification.
Loin de mettre en cause l’unité et l’indivisibilité de la République et l’officialité de la langue française, cette ratification prend une dimension symbolique : contre les tentatives d’imposer l’uniformisation mondialisée de la langue de la finance, elle permet de réaffirmer notre volonté, conformément à la résolution de l’Unesco sur les langues en danger, de préserver et d’enrichir le patrimoine vivant constitué par les quelques 75 langues pratiquées en France. Nous pensons bien sûr aux langues régionales, à celles d’outre-mer mais également aux langues issues des immigrations qui ont contribué au peuplement de la France. Elles font toutes parties de notre histoire comme de notre richesse culturelle. La liberté, l’égalité et la fraternité fondements de notre culture commune prennent tout leur sens quand elles garantissent la reconnaissance et le partage des langues et des cultures diverses qui nous traversent ainsi que leur mise en relation. C’est cela aussi le vivre ensemble.
NOTE DU RÉSEAU LANGUES ET CULTURES DE FRANCE - Militants du Front de Gauche favorables à l'affirmation d'une vision pluraliste de la culture et de la République en France.
Dans le cadre de l’adoption des programmes régionaux, il paraît indispensable que cette question des langues et cultures de France, déclinée dans chaque région (car la variété des situations est très grande), fasse l’objet d’une référence explicite : les régions ont évidemment un rôle éminent à jouer dans ce domaine et elles le font souvent déjà, mais à condition de ne pas se substituer aux responsabilités de l’Etat, en particulier en matière d’enseignement public et de politique culturelle, décisifs pour l’avenir de ce patrimoine vivant.
POURQUOI RATIFIER LA CHARTE, POURQUOI NE PAS S’EN TENIR LÀ
Ce village de Corse, où des parents s’indignent que l’on puisse faire apprendre une chanson en arabe, nous rappelle que la langue, après la couleur de peau, la forme du visage, les usages alimentaires ou vestimentaires, est un marqueur d’identité individuelle et collective. Mais justement dans ce cas, il ne s’agissait pas de se substituer ni au français, langue nationale, ni au corse, langue régionale, ni à l’anglais, langue internationale, mais d’ajouter une langue, présente de plus dans l’environnement humain.
Les langues donc peuvent s’ajouter : la « guerre des langues » est un prétexte facile à d’autres visées de domination.
Plus de 5000 langues, moins de 200 Etats : on ne sera pas surpris de constater qu’aucun pays ne gère cette diversité de la même façon, étant entendu qu’il n’y a pas de langue plus belle qu’une autre, ni plus riche (cela dépend de la volonté, et du nombre, de ses usagers, et de leur capacité à répondre à leurs besoins). Il n’y a évidemment pas plus de langue de la liberté ou de la tyrannie, de la poésie, etc.
La France dispose d’une grande diversité linguistique (un rapport de 1999 fait état de 75 langues en usage sur son territoire – d’ailleurs pour l’essentiel dans les Dom-Tom). Pourtant le sentiment hérité de toute une tradition tant de l’absolutisme royal que de la République « une et indivisible » continue de faire penser à certains que la France et le français c’est la même chose. On en vient ici à nier l’histoire : comme l’a démontré Ernest Renan, au début de la IIIème République, dans une conférence de 1882, Qu’est-ce qu’une nation ?, ce n’est ni la même langue, ni la même « race », ni la même religion qui constituent le ferment d’une nation, mais la volonté politique de vivre ensemble. C’était d’autant plus nécessaire d’affirmer alors cela que la Prusse avait annexé l’Alsace et la Lorraine pour des motifs officiellement linguistiques… et que la majorité des petits Français de l’époque n’avaient nullement le français comme langue maternelle, mais avaient appris à parler dans les langues patrimoniales du peuple. Certes, les instituteurs mirent un point d’honneur à faire acquérir à leurs élèves la « langue de la République », parfois avec des méthodes peu morales. Mais il faut savoir qu’un débat s’engagea alors pour savoir ce que l’on faisait de ses « idiomes locaux ».
Ce débat s’est poursuivi jusqu’à nos jours : le fait d’avoir une langue commune, ce qui offre d’évidents avantages, ne peut se réduire à croire que ce doit être une langue unique. En 1951, au sortir donc de l’Occupation, la loi Deixonne posa le principe que ces langues pouvaient exister dans l’enseignement public, de l’école à l’université, mais sa modestie explique son peu d’impact. Grâce pourtant à la ténacité des militants de ces langues, et le soutien sans faille de progressistes, au premier rang desquels se trouvèrent toujours les communistes, une série de dispositions réglementaires vont pourtant être prises depuis : ce qui permet aujourd’hui à 3 % des élèves d’être en contact avec les langues dites régionales ; elles ont réussi à être pourvues d’un accès au baccalauréat, d’un CAPES spécifique, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir après 1981… Et même d’une reconnaissance constitutionnelle en 2005 (article 75). Dans le même temps, l’opinion publique a vu reculer le mépris attaché au terme de « patois » pour les désigner, puisque près de 3 Français sur 4 en ont une opinion favorable.
Pourtant, tous les tenants de ce riche patrimoine vivant sont d’accord pour considérer qu’il est nécessaire de fournir un nouveau cadre national législatif aux langues de France, qui ne s’en tienne pas à renvoyer vers les collectivités territoriales la responsabilité de cette politique, qui lui donne enfin clairement accès au domaine public, en particulier des médias. Le cadre européen ne peut être négligé, ne serait-ce que parce que bon nombre de nos langues sont transfrontalières (comme l’occitan, le catalan, le basque, le flamand, le mosellan…). L’annonce récente par le Président de la République qu’il entendait faire ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, signée par la France en 1999, mais suspendue par le Conseil constitutionnel au motif que certains articles de la Charte contrevenaient à l’article 2 de la Constitution : «Le Français est la langue de la République » (ajouté en 1992, date bien tardive, qui devrait donner à penser à ceux qui confondent l’histoire de France et la langue française), a provoqué une prise de position vive du co-président du Parti de Gauche, contre cette ratification. Ce n’est pas parce que les institutions européennes font en ce moment la preuve de leur nocivité que le texte de la Charte n’offre pas au moins l’avantage d’une reconnaissance symbolique de l’importance de ce domaine patrimonial vivant. En effet, comme il s’agit d’une adoption « à la carte » (il y a 98 propositions, il suffit d’en adopter 35, et le gouvernement Jospin en prenait 39), les articles retenus ne font en fait qu’encourager à pratiquer ce qui existe déjà…
Bien plus grave est, contre les langues régionales de France, une réforme du collège, adoptée par décret, qui oblige à rompre la continuité de leur enseignement en 6ème, qui n’offre aucune garantie pour la mise en œuvre d’une carte scolaire permettant d’offrir cette option aux parents de la maternelle au baccalauréat, qui finalement renvoie vers le privé ou la bonne volonté des collectivités territoriales, elles-mêmes au régime sec de l’austérité. Et d’autres enseignements de langues anciennes et vivantes, dont celles des immigrations, sont aussi visés.
Il est donc grand temps de s’atteler à un projet de loi pour les langues et cultures de France qui refuse l’austérité de principe, et vise à une promotion du patrimoine national non contre la langue nationale mais avec elle, en vue de résister à l’envahissement de la langue de la finance internationale. Le Réseau Langues et Cultures de France, proche de la Commission Culture du PCF, renouvelle son appel à débattre publiquement de ses questions, en se référant à Marcel Castan, militant culturel occitaniste et communiste : « la France une politiquement, culturellement plurielle ».
Réseau langues et cultures de France : http://www.langues-cultures-france.org
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Pierre Boutan, Daniel Muringer, Marie-Jeanne Verny
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