Lors du Conseil Communautaire du lundi 5 octobre 2015, je suis intervenu sur plusieurs sujets:
1- La précarité à Morlaix et Morlaix-Communauté:
- Par rapport à l'attribution d'une subvention de 11 343€ dans le cadre du DAVE (dispositif d'accompagnement vers l'emploi) concernant au maximum 200 personnes se traduisant par un travail autour de l'insertion professionnelle, j'ai regretté que Pôle Emploi se désengage de ce dispositif d'insertion en laissant les collectivités locales seules en première ligne. L'Etat se désengage de ses responsabilités en termes de lutte contre le chômage de masse: malgré le sérieux et la bonne volonté de ses agents, les premières victimes de la politique de restructuration des missions de l'ANPE et de pression sur les effectifs et les pratiques en période de forte augmentation des besoins, Pôle Emploi est de plus en plus là pour collectionner les annonces d'emploi, dont beaucoup sont bidons, faire du chiffre et contrôler, radier les chômeurs. Travailler sur le fond avec les chômeurs pour leur faciliter l'accès à l'emploi devrait aussi faire partie de ses missions. Aujourd'hui, du fait de ce désengagement de Pôle emploi par rapport au DAVE, il est à craindre que seul le public des chômeuses de longue durée soit suivi pour l'insertion professionnelle par le CIDFF (Centre d'Information pour le Droits des Femmes et des Familles) et non les hommes. J'ai posé la question du soutien dont pourrait ou non bénéficier les hommes en situation comparable, mais je n'ai pas eu de réponse.
- L'attribution d'une subvention au Foyer des Jeunes Travailleurs de Morlaix confirme les difficultés sociales qui s'accumulent pour le territoire et la précarisation de la population morlaisienne, des jeunes notamment. 28% des jeunes accueillis en FJT sont demandeurs d'emploi en 2014 contre 18% en 2013. Le FJT a accueilli 181 personnes de 16 à 30 ans en 2014, dont 40% originaires du territoire de Morlaix Communauté. Le financement du FJT passe par Morlaix, l'Etat (15000€), le département (76648€), la CAF (56000€), Morlaix-Communauté (15000€).
- Morlaix-Communauté a aussi versé une subvention de 15000€ pour l'année 2015 aux Restaurants du Coeur. Cela correspond à une partie du coût de la location des locaux route de Paris à Plouigneau dont le coût annuel s'élève à 17540€ de loyers et 2000€ de charges, sachant que beaucoup de collectivités prennent en charge directement les locaux des restaurants du cœur en les leur mettant à disposition. La subvention est constante alors que les besoins augmentent.
En 2014, les Restaurants du coeur du centre de Morlaix ont distribué:
- 44436 repas auprès de 372 ménages au cours de la campagne d'hiver 2014-2015
- 25 293 repas au cours de l'été 2014
Les bénéficiaires se répartissent de la façon suivante:
- personnes seules: 40%
- familles de 2 à 3 personnes: 40%
- familles de 4 à 6 personnes: 20%
Les restaurants du cœur assurent leur fonctionnement grâce à 75 bénévoles
A signaler que par rapport au bilan du Plan Local de l'Habitat 2014 concernant les aides à la rénovation et l'isolation thermique du logement de type social, public et privé, la droite morlaisienne par l'intermédiaire de Marlène Tilly, adjointe au logement et à l'urbanisme, est intervenue pour que l'enveloppe puissent servir à la rénovation d'autres logements que des logements sociaux, à la redynamisation des centre-villes et centre-bourgs. "L'habitat, a t-elle dit, ce n'est pas que le logement social". Il lui a été répondu que 80% de la population de Morlaix Communauté pouvait prétendre accéder aux aides à la rénovation et au parc social: le plafond est de 2,5 x le SMIC avec 2 enfants. A signaler que le financement de la rénovation thermique par le biais d'un investissement de l'Etat et du fond FART (fond d'aide à la rénovation thermique) est un dispositif qui, austérité tout azimut oblige, va être mis en veilleuse à la fin de l'année. A nouveau, c'est l'écologie et le social qui trinque avec cette politique de baisse des dépenses publics à marche forcée pour pouvoir financer les cadeaux faits aux patronats et aux riches.
- Le rapport d'activité 2014 de Kéolis sur le réseau TIM et Flexo, dont il était donné de prendre connaissance et que j'ai lu attentivement pour ma part (il fallait la demander pour avoir sur papier la version complète), fait aussi état de marqueurs de la précarisation rapide de la population morlaisienne avec la crise qui s'accentue, symptômes de paupérisation que j'ai souligné:
Ainsi, en 2014, il y a eu 9,1% en plus d'abonnements sociaux, 8,3% d'adultes en plus ont pu bénéficier du tarif social, et 15% des enfants en plus.
Parallèlement, l'augmentation de la fraude traduit aussi cette perte de moyens de beaucoup de familles morlaisiennes, et aussi l'inadaptation du ticket d'une durée de validité limitée à 30 minutes.
- 2- Pour les services publics et l'économie sociale, contre les logiques de privatisation et de partenariat privilégié avec le capitalisme.
- Je suis aussi intervenu longuement sur le rapport d'activité Kéolis 2014 et la question du transport à Morlaix (la presse ne rend compte que d'une partie infime de l'intervention).
J'ai rappelé que l'analyse de ce rapport d'activité (que je tiens à disposition: sa version électronique est téléchargeable sur le lien suivant: urlz.fr/2rxZ) est particulièrement importante car la DSP avec Kéolis pour le transport dans le pôle urbain arrive à expiration à l'été 2017 (le contrat était de 8 ans: 2009-2017).
Normalement il était prévu d'avoir une réflexion collective de fond en Commission Environnement de Morlaix- Communauté, dont je fais partie, sur le mode de gestion et la globalité de la politique de transport (niveau de l'offre, nouvelles lignes régulières péri-urbaines ou non, navettes gratuites, politique tarifaire) au second semestre 2015, mais elle n'a pas encore commencé.
J'ai rappelé le caractère essentiel de cette réflexion pour le territoire et la nécessité qu'elle se fasse de manière la plus transparente, démocratique, ouverte possible.
J'ai dit que le Front de Gauche réclamait un retour en régie publique du transport en commun sur Morlaix-Communauté et les chiffres du bilan de Kéolis confirment cette nécessité quand on les lit attentivement.
En effet, les recettes commerciales sur le réseau Morlaix-St Martin des Champs- Plourin sont en hausse de 4,4% malgré les inondations et les travaux multiples, notamment sur la voie ferrée à hauteur du Pont Bellec suite à l'effondrement de la falaise. Cette fréquentation supplémentaire témoigne de l'importance sociale du transport en commun, surtout dans un contexte de crise et de précarisation. Le chiffre d'affaire de Kéolis est de 2,46 million d'euros mais son bénéfice annoncé n'est que de 24 553€ cette année, globalement constant dans la ligne d'écriture par rapport à 2013. Cela ne représente qu'une infime portion du chiffre d'affaire: seulement, quand on regarde les frais de siège 2014 (54 686€) et les frais de direction générale (215.607€) on peut se poser des questions sur la réalité des bénéfices annoncés et les supposer un peu plus important, les charges mutualisés fonctionnant comme aspirateur visant à les dissimuler. Il faut savoir que Kéolis gère le personnel mais que la collectivité rémunère le délégataire et achète les bus: le budget transport pour Morlaix Communauté représente environ 6 millions d'euros par an.
J'ai mis en avant, outre les vertus de la régie publique, qui permet d'éviter l'évasion d'argent public vers des actionnaires (Kéolis est un groupe mondial capitaliste où se retrouve la SNCF et la Caisse des dépôts et consignations comme actionnaire) et de gérer directement un service public dans l'intérêt général, le fait qu'il fallait une politique de transport plus ambitieuse à Morlaix: un vrai réseau de transport péri-urbain, les lignes FLEXO de transports à la demande restant encore assez peu utilisés et ne pouvant par leur nature susciter un vrai report vers le transport en commun, ce réseau de transport péri-urbain pouvant aussi augmenter le nombre de lignes et de rues desservies à Morlaix; une réflexion sérieuse sur la possibilité d'incitations tarifaires au transport en bus, avec notamment l'examen de l'hypothèse de la gratuité, au moins sur des navettes et des trajets précis, sachant que les recettes de billetterie, qui nécessitent aussi des frais de personnel (les contrôleurs), ne représentent guère que 10 à 15% des dépenses globales de transport et que la gratuité peut booster la fréquentation au-delà des publics des captifs (scolaires, personnes âgés) et encourager les actifs à préférer le bus à la voiture, ce qui passe aussi par une amélioration du réseau et de la rapidité des trajets.
Guy Pennec, vice-président chargé des transports, a répondu qu'il était très sceptique sur la gratuité pour plusieurs raisons:
- seulement 22 réseaux urbains l'ont adopté, et en général sur de petits réseaux (l'ensemble ne ferait pas plus que la taille du réseau de transport en commun d'Orléans), c'est pour lui le signe que cette solution présente plusieurs inconvénients.
- la faisabilité pratique est de moins en moins probable en raison des nouvelles contraintes législatives obligeant les collectivités à se doter de bus électriques et hybrides deux fois plus onéreux que les bus standard et du fait de l'évolution du Versement Transport (plus de 2 millions de recettes pour Morlaix Communauté), la taxe dont s'acquitte les entreprises pour favoriser la mobilité de leurs salariés, qui n'est plus exigible pour les entreprises de moins de 11 salariés (contre 9 auparavant), ce qui va créer un manque à gagner.
- sur le renouvellement de contrat en 2017, Guy Pennec a dit qu'il souhaitait une réflexion approfondie sur l'ensemble des modes de gestion, avec une assistance à maîtrise d'ouvrage sur les modes de gestion (c'est à dire, si j'ai bien compris, le recours à un nouveau bureau d'étude, en espérant que les élus ne soient pas dépossédés du travail de débat et de réflexion en amont) et Jean-Luc Fichet aussi, même si on le sent pas un farouche opposant de la DSP...
- Je suis aussi intervenu pour regretter que la subvention à la SCOP Chrysalide qui aide des porteurs de projets en situation initiale de précarité ou de chômage dans plusieurs domaines pour monter leur activité d'entrepreneurs associés en mutualisant une partie des bénéfices soit inférieure à l'attente de la SCOP (4000€ pour 5000€ demandé, la SCOP Chrysalide demandait 8000€ en 2013, sur un budget global de 394 950€). Chrysalide a un modèle économique mixte fait d'une part d'autofinancement grâce à un poucentage pris sur le chiffre d'affaire des entrepreneurs hébergés et à des prestations que la SCOP effectue vers l'extérieur, et d'autres part, de financements de l'Europe, de l'Etat, et des collectivités locales. 26 porteurs de projet sont concernés sur Morlaix, la SCOP travaillant aussi dans le pays de Brest et de Quimper. Agnès le Brun et Marlène Tilly pour la droite morlaisienne sont intervenues au contraire pour juger peu opportune cette subvention à la SCOP Chrysalide, en arguant des frais de transport et de réception ("ce genre de ligne font tâche dans le domaine économique", elles faisaient référence à 28200€ de frais de déplacement, de missions et de réceptions mais concernant non pas la seule activité morlaisienne, mais l'activité départementale) et d'un soutien public trop importants. Très sourcilleuse sur le financement public de l'économie sociale et solidaire, la droite l'est moins sur le financement public de l'agriculture productiviste, des CCI, les aides publiques aux entreprises privées conventionnelles.
- La preuve, élus UMP, mais aussi PS, EELV et autres ont voté comme un seul homme la Participation de Morlaix Communauté de 136 019€ sous la forme d'une baisse de prix du terrain et d'une compensation à la SAFI (bureau d'étude départemental dépendant du Conseil Départemental) à l'achat par le gestionnaire de l'Intermarché de Saint-Fiacre à Plourin de 20 926 m2 de terrains à l'origine prévus pour accueillir des commerces entre l'Intermarché et le Centre aquatique.
Ce patron d'Intermarché Saint Fiacre qui bénéficie de terrains bon marché (10€ de rabais sur le m2) grâce à l'engagement financier public (136 000€, c'est une somme rondelette pour Morlaix Communauté, à laquelle il faut ajouter 73 241€ de la commune de Plourin) va commercialiser à travers la SCI Traverse lui-même ensuite les terrains de la ZAC de Saint Fiacre auprès de son Supermarché, la collectivité n'ayant qu'un rôle de supervision a posteriori.
Opération étrange, je l'ai dit en Conseil Communautaire, sur le plan du modèle économique, du cadeau fait par la collectivité à un gestionnaire de Supermarché et d'une forme de dépossession par la collectivité de son rôle d'aménageur des Zones Commerciales.
J'ai voté contre cette délibération, le seul de l'assemblée, Christine Prigent (EELV) ne s'est pas abstenu ni n'a voté contre même si elle a regretté la bétonnisation du plateau de Saint Fiacre préjudiciable en outre pour l'écoulement des eaux dans la rivière du Queffleut et les inondations et m'a approuvé oralement quand j'ai dit qu'il fallait arrêter, au nom de la croissance, du développement économique et des emplois, où d'une conception de l'aménagement équilibré du territoire donnant à chaque commune sa zone commerciale (Plourin et Morlaix voulant rivaliser avec St Martin), de développer sans limite les zones commerciales périphériques alors que le commerce de centre-ville à Morlaix, comme dans beaucoup de villes moyennes, périclite. Il faut revitaliser les centre-villes et les centre-bourgs, tout le monde en convient, c'est un choix de société, de cohésion sociale, d'aménagement du territoire, mais on continue de développer et d'étendre les zones commerciales qui tuent le commerce de centre-ville.
Agnès Le Brun m'a reproché de dévaloriser la vitalité commerciale de Morlaix, de faire une communication négative sur le centre ville, en rappelant que si la situation n'était pas forcément très rose économiquement pour le commerce de centre-ville morlaisien, elle n'était pas pire que dans d'autres villes moyennes comparables. Elle et Jean-Luc Fichet, Guy Pennec ont refusé d'opposer développement des centres commerciaux et zones commerciales de périphérie (une spécificité française dans une large mesure!) et attractivité des centre-villes et centre-bourgs, en en faisant au contraire un élément de l'attractivité de ces derniers, les gens qui viennent à Morlaix pour visiter une enseigne de grand magasin spécialisé ou non en périphérie se déplaçant après vers le centre-ville, ou s'installant à Morlaix ou aux alentours en raison de son offre commerciale de périphérie et des emplois de ces zones commerciales, si j'ai bien compris, mais je ne suis guère convaincu par ce raisonnement qui est tout à fait dans la ligne des logiques du système.
- Autre opposition au développement sans frein du capitalisme dans toutes les sphères de la vie sociale, mon propos sur la convention Etat-Région avec Morlaix-Communauté au sujet des nouveaux investissements pour l'IUT génie civil (600 000€ pour l'état en 2015, 501 000€ pour Morlaix-Co, mobilier et constructions, enregistrés en décisions budgétaires modificatives), convention qui porte la marque comme la Réforme Territoriale d'une conception néo-libérale de l'enseignement et de la recherche, comme de l'aménagement du territoire, où tout est réduit à une notion de rentabilité économique, de concurrence et de compétitivité. Ainsi j'ai ironisé sur la novlangue de la convention que l'on devait voter et ses intentions, très loin de l'éducation et de la réalité de l'enseignement en IUT.
Voir mon article d'avant-hier dans le "Chiffon Rouge":
Cet investissement de l'Etat dans l'extension de l'IUT pour accueillir la filière génie civil est assurément une bonne chose pour le territoire et cet IUT qui a très bonne réputation et dynamise la ville de Morlaix.
Néanmoins on ne peut que sourire ou être perplexe quand on lit les justifications de cet investissement étatique dans la convention que nous avons eu à voter et sur laquelle je me suis abstenu:
Ainsi, parmi les objectifs en matière d'immobilier et de structuration du site, on peut lire:
- que les opérations immobilières sont sélectionnées "en fonction de projets de recherche correspondant aux secteurs clés identifiés par des documents stratégiques nationaux ou régionaux": secteurs clef pour l'économie et la compétition économique des territoires, s'entend!
- l'objectif est de "favoriser la mutation de l'enseignement supérieur et de la recherche".
Dans quel sens me direz-vous?
"Il s'agit de soutenir une recherche/ innovation de rang mondial (rien que ça! Attention pour notre petit IUT à ne pas faire la grenouille qui veut être plus grosse que le bœuf...) et "ancrée territorialement" (décentralisée pour que les régions puissent considérer les centres universitaires comme des armes de développement et de compétition) qui nécessite des moyens d'expérimentation combinant les technologies de pointe, afin de pouvoir participer aux programmes internationaux de recherche et favoriser l'attractivité des équipes de recherche bretonnes et soutenir des stratégies de publications de haut niveau et de dépôt de brevets".
On parle là de marketing commercial plus que d'enseignement, d'éducation et de recherche, et ça continue...
Sur l'utilisation des technologies numériques, "l'objectif est de consolider un réseau de plateformes visibles et à la pointe, en lien avec les communautés scientifiques et les écosystèmes innovants en favorisant les coopérations avec les TPE-PME, par des offres de prestations de services de formation aux technologies de pointe"... "Le projet de cartographie des compétences de la recherche publique bretonne, "Plug in Labs", promouvant les compétences de la recherche aux acteurs du développement économique s'inscrit également dans le cadre".
La convention est un florilège de la novlangue néo-libérale issue de l'OCDE, des préconisations européennes, de la technocratie voulant acculturer les services publics et les convertir aux objectifs managériaux de rentabilité, de compétitivité: on y parle en titre de "Gouvernance", "d'évaluation", et en termes fort rhétoriques "d'éco (pas coco) conditionnalité", on y vise la "différenciation régionale" de l'établissement universitaire.
Rien de bien nouveau sous le soleil.
C'est l'esprit de la loi sur l'autonomie des Universités, qui fait des centres de recherche et d'enseignement des outils instrumentaux au service de la croissance, du développement économique, de l'entreprise et de la concurrence des territoires.
De contenu à transmettre, de formation de professionnels, de citoyens et d'intelligences, il est peu question dans ce document: c'est vrai que la région et l'Etat ont d'autres chats à fouetter. Tout investissement, même dans l'école et l'éducation, doit être justifié en terme de retours économiques et de rentabilité.
Ismaël Dupont,
Morlaix, le 8 octobre 2015
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