Bonjour Gérard Le Puil,
J'ai lu dans le dernier "Huma dimanche" ton article où tu prends l'exemple de Berrien pour mettre en cause les logiques d'emprise des nouveaux logements sur les terres agricoles et de déplacements domicile-travail requis par l'installation dans des maisons neuves avec terrains dans les bourgs à plusieurs kilomètres ou dizaines de kilomètres des villes où l'on travaille et fait ses courses.
La base théorique de ton point de vue, basé sur la volonté de préservation de la planète, de lutte contre la disparition des terres agricoles et le réchauffement climatique, et la valorisation des logements existants à rebours de la tendance des jeunes actifs à vouloir acheter des maisons neuves avec terrain bon marché dans des communes rurales, est défendable.
Pendant la campagne des municipales du Front de Gauche à Morlaix, nous avons nous-mêmes regretté la tendance des communes limitrophes à Morlaix à se développer au détriment de Morlaix en faisant du dumping foncier, en bétonnant des terres agricoles et des zones humides sans plan d'aménagement durable pour la vie sociale dans ces communes (transports en commun, espaces de vie, commerces de proximité, recours au tout voiture...) et au détriment de la ville-centre comptant de nombreux logements vides et des impôts plus lourds pour financer des services dont les habitants des communes périphériques bénéficient aussi.
Néanmoins, Berrien n'est pas une commune de périphérie de ville néo-urbaine, mais un bourg rural de Centre-Finistère (à 25km de Morlaix - 30mn, et 23 km de Carhaix - 30 mn en voiture - les villes moyennes les plus proches), menacé par la désertification, comme tu as toi-même noté que c'était le lot de beaucoup des bourgs de la région.
Je ne crois pas que notre modèle de société, ce soit la disparition du réseau de petits bourgs, de petites et moyennes villes qui font le riche maillage territoriale et le terreau de vie sociale solidaire de la France, et plus encore de la Bretagne.
Si l'école disparaît, comme d'autres services publics et services à la personne ont pu disparaître dans ces bourgs des Monts d'Arrée, alors c'est la capacité à faire venir des jeunes, et des jeunes couples dans la commune qui est menacée.
Et la vie quotidienne des familles qui y habitent déjà qui se complique. Ces bourgs n'ont pas vocation qu'à accueillir des maisons secondaires, des retraités ou des anglais.
Le combat de Paul Quemener, Marie-Pierre Coant, et de leur Conseil Municipal me semble exemplaire d'un volontarisme politique pour lutter contre la disparition des services publics de proximité et contre les logiques de désertification, de vieillissement et de paupérisation du Centre-Bretagne.
Ces mêmes élus qui luttent sont revenus en régie publique de l'eau et mobilisent aujourd'hui la population contre le Grand Marché Transatlantique, Berrien s'étant déclarée commune hors TAFTA et l'ayant affiché sur des panneaux très visibles à plusieurs endroits de la commune.
Paul Quemener, le maire, militant du collectif citoyen Front de Gauche centre-Finistère, était candidat du Front de Gauche aux sénatoriales avec moi en septembre 2014, et sera probablement candidat du Front de Gauche sur la liste des Régionales en décembre 2015. Marie-Pierre Coant, l'ancienne maire, très appréciée par ses concitoyens, est aussi une militante du Front de Gauche.
Avec José Le Guelaff à Motreff près de Carhaix, Paul Quémener est le seul maire sympathisant Front de Gauche que nous ayons dans le Finistère.
Ce sont des amis politiques qui militent pour la survie du Centre-Bretagne face aux logiques de concentration des investissements, des services, des richesses, et de la démographie sur les métropoles, le littoral et les grandes villes, dans une logique néo-libérale et européenne de mise en concurrence des territoires.
Autant on peut défendre au nom de l'engagement écologique le développement des transports en commun dans les zones rurales, sur les déplacements péri-urbains, et à l'échelle départementale, autant on peut dénoncer la fermeture des écoles, des bureaux de poste, des services pour des raisons de rentabilité immédiate, autant je trouve que c'est se tromper de combat de dévaloriser cette démarche médiatique de promotion d'un bourg de centre-Finistère, haut lieu de la résistance comme tu le sais sans doute, qui utilise les moyens à disposition pour sauver l'école dans une démarche démocratique exemplaire d' une association des élus, des parents d'élèves et des citoyens.
Parmi ceux qui vont acheter ces terrains à 1€ le m2, il y aura des jeunes, des professionnels qui vont dynamiser la vie sociale et économique de la région.
Tout en appréciant généralement tes articles et tes contributions aux débats d'idées et à la prise en compte des enjeux écologiques et alimentaires, je trouve que sur ce point-là, tu aurais dû au moins contacter les élus de la commune pour entendre leur point de vue avant et ne pas faire un article à charge contre la municipalité combattante et courageuse d'une des dernières communes "rouges" du Finistère alors qu'il y a tant d'autres choses à remettre en cause si on veut défendre le climat, un aménagement équilibré du territoire, et le maintien des terres agricoles.
Au hasard, pour parler des questions qui préoccupent les habitants de la région, la Centrale à Gaz de Landivisiau, l'aéroport de Notre-Dame des Landes, les logiques de métropolisation...
Fraternellement,
Ismaël Dupont, secrétaire départemental du PCF Finistère.
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