"Une digue a sauté", estime Jean-Pierre Denis, le directeur de La Vie, l'hebdomadaire catholique progressiste et humaniste. Le diocèse de Fréjus-Toulon invite aujourd'hui Marion Maréchal Le Pen aux Universités d'été de Sainte-Beaume. La candidate aux élections régionales du FN dans la région PACA s'exprimait dans une tribune "Politique et médias".
Une décision que le père Louis-Marie Guitton, un des organisateurs justifie par l'évolution du paysage politique dans le Var. "Le paysage politique est ce qu'il est ici. Un tiers des électeurs votent maintenant pour le Front national", explique le responsable de l'Observatoire socio-politique du diocèse (OSP), organisateur de l'événement, avant de trancher: "Cette année, il nous a semblé difficilement justifiable de ne pas l'inviter."
D'autant que Marion Maréchal est catholique, qu'elle a participé à la "Manif pour tous" contre le droit au mariage pour les homosexuels.
Travail, Famille, Patrie, il fut un temps où l'Eglise de France et le Vatican étaient très proches de la révolution réactionnaire, anti-juive, anti-communiste, anti-francs-maçons, du régime de Vichy.
On pensait ces temps révolus, et c'est le cas pour ce qui concerne le pape François, peut-être un des chefs d'Etat mondiaux qui porte la parole la plus progressiste actuellement (c'est dire s'il y a peu de chefs d'Etat positionnés sur le terrain de l'égalité, de l'humanisme et de paix), et la majorité sans doute des évêques et des prêtres de France, inspirés par la réforme humaniste de Vatican II, mais il est très certainement des pans importants et montants de l'église, inspirés par l'Opus Dei, les communautés les plus traditionalistes, qui rêvent à travers l'ascension de l'extrême-droite d'une nouvelle alliance de la "fille année de l'église" avec le Catholicisme le plus traditionaliste, rêve mêlé d'une forme de paranoïa face au métissage et à "l'islamisation" de la France.
Car l'argument du "ils pèsent 30%, on ne peut pas ne pas les inviter à débattre" ne tient pas. L'église n'est pas un organe de presse qui en démocratie doit donner la parole à tous les partis autorisés à présenter des candidats aux élections. Normalement, elle porte des valeurs qui ne relèvent pas simplement de l'ordre moral, de la tradition, mais aussi de la solidarité universelle, de l'amour: inviter une des étoiles montantes d'un parti xénophobe, qui a osé se réjouir des naufrages de migrants en Méditerranée en disant que c'était autant de "racailles de moins" dans nos banlieues, au moment où des milliers de réfugiés politiques gagnant l'Europe sont en train de mourir victime de la politique de répression et de refoulement de l'immigration de l'Europe, n'est en rien anodin. Ce n'est peut-être pas le cautionner, mais c'est le normaliser, le banaliser, ce que, en dehors des intégristes sympathisants de l'extrême-droite, l'église officielle s'était toujours refusé à faire en France.
Souhaitons que les hommes de foi s'indignent de cette rupture et qu'elle ne crée pas une nouvelle acceptation par les institutions chrétiennes des partis xénophobes héritiers du fascisme.
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