La dégradation de la situation au Proche-Orient n'a pas entraîné d'inflexion de la politique française sur le terrain. Les appareils français n'interviennent pas en Syrie, Paris continuant à réclamer le départ de Bachar-el-Assad et regrettant toujours la volte-face de Barack Obama, en août 2013, qui était revenu sur sa promesse d'intervenir contre le dictateur syrien s'il franchissait la ligne rouge que représentait le recours aux armes chimiques.
En Irak, les interventions des appareils français, basés essentiellement en Jordanie, restent limités. L'essentiel de l'aide française en armes, en munitions et en instructeurs, est réservé aux Kurdes irakiens.
Là, en revanche, où les positions françaises se sont infléchies c'est vis à vis des deux pays qui se disputent la première place au Moyen Orient: l'Iran et l'Arabie Saoudite. D'où des divergences notables avec la stratégie ambiguë suivie par Barack Obama dans la région. Sur l'Iran, Paris par la voix de Laurent Fabius, n'a jamais caché son opposition à la conclusion d'un accord nucléaire "au rabais" dont Obama a fait sa priorité; cette intransigeance a déjà entraîné un retard dans la signature d'un accord intermédiaire; le désaccord franco-américain porterait notamment sur le rythme de la levée des sanctions qui frappent aujourd'hui Téhéran, une mesure qui permettrait au régime iranien de consacrer alors plus de ressources à son expansionnisme.
L'hostilité ouverte au régime Assad et la méfiance affichée à l'égard de Téhéran expliquent le rapprochement spectaculaire de la France avec les monarchies sunnites (et pétrolières) du Golfe, à commencer par l'Arabie Saoudite, opposée à l'accord nucléaire avec l'Iran. Un rapprochement qui s'est traduit par la vente de Rafales au Qatar et à l'Egypte du général Sissi, protégé de Riyad arrivé au pouvoir dans des conditions moins que démocratiques. D'où un certain étonnement, au début du mois de mai dernier, à voir François Hollande, un président "normal" et "de gauche" reçu en grande pompe en Arabie Saoudite, un pays qui incarne le wahhabisme, la version la plus rigoriste de l'islam sunnite, qui interdit aussi bien la liberté de culte que la liberté d'expression, qui pratique allègrement la peine de mort et qui traite en esclaves les centaines de milliers de travailleurs étrangers qui le servent.
Couronnement de cette réception, l'invitation de François Hollande à s'adresser au sommet extraordinaire du Conseil de coopération du Golfe persique qui regroupe, outre Riyad, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar. Une façon, pour les monarchies sunnites, de manifester leur mécontentement envers les Etats-Unis. Et la perspective pour la France de signer de juteux contrats, pas seulement militaires.
Assiste t-on à un retournement d'alliances de Riyad? Certainement pas, tout juste à une manifestation de mauvaise humeur à l'égard des Etats-Unis de la part de la pétromonarchie. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: la France a vendu à l'Arabie Saoudite en 2014 pour 174 millions de dollars d'armes conventionnelles et aux Emirats arabes unis pour 122 millions; la même année, les Etats-Unis ont vendu à l'Arabie saoudite pour 1,2 milliard d'armes et aux Emirats pour 551 millions. Une amélioration de la part française pour les années qui viennent ne mettra certainement pas en cause les accords de sécurité entre l'Arabie Saoudite et les Etats-Unis.
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