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23 juillet 2015 4 23 /07 /juillet /2015 09:54
Pour un nouveau modèle agricole

Dans la "Revue du projet n°41", Xavier COMPAIN, responsable du secteur Agriculture du Conseil National du PCF, s'est exprimé sur la question de l'agriculture.

Ce texte date de novembre 2014 mais garde toute son actualité.

Alors que la colère monte dans le monde agricole comme en atteste l'actualité, Xavier Compain, responsable du secteur Agriculture du Conseil national du PCF, dresse un état des lieux. Il dessine les contours d'un nouveau modèle de production agricole conjuguant l'impératif écologique à la nécessité de nourrir l'humanité.

Le mécontentement dans le monde agricole est très puissant. Des biens publics ont été dégradés à Morlaix. Quel regard portez-vous sur la situation ?

Le nombre d’exploitations agricoles n’a cessé de diminuer depuis plusieurs décennies. En 10 ans, un quart des exploitations agricoles a disparu. La majorité des agriculteurs est victime d’un modèle agricole productiviste, qui dans un contexte de libéralisation des marchés agricoles, conduit certains à s’agrandir ou à intensifier leur activité alors que d’autres sont condamnés à cesser leur métier. L’agriculture est de plus en plus duale avec une minorité d’entreprises agricoles de plus en plus grandes intégrées aux marchés internationaux et aux filières agro-industrielles et beaucoup d’agriculteurs qui vivent souvent dans une grande précarité et dont l’activité est remise en question au gré des crises agricoles. Il y a trois fois plus de suicides chez les agriculteurs que dans la population totale. De nombreux jeunes renoncent à s’installer. Le montant des investissements nécessaires, les perspectives de revenus et le difficile accès au foncier (coût et concurrence) constituent autant de freins à l’installation. Le renouvellement des générations en agriculture est actuellement insuffisant pour maintenir le nombre d’exploitations agricoles qui continue à s’effondrer au rythme de 20 000 par an.

L’agriculture s’inscrit aujourd’hui dans de puissantes filières agro-financières dominées par l’aval et par l’amont (agrobusiness et grande distribution). Les récents scandales alimentaires témoignent des dérives de l’agro-industrie, fondée sur la recherche du moins-disant social et environnemental et où priment les seuls intérêts financiers. Le développement des firmes en amont et en aval s’accompagne d’une captation croissante de la valeur ajoutée agricole au détriment des agriculteurs et des consommateurs et d’une détérioration de la qualité des aliments.

Depuis les années 1990, la libéralisation des marchés agricoles a peu à peu succédé aux efforts entrepris les décennies précédentes pour disposer de politiques agricoles fortes afin d’assurer la sécurité alimentaire. Depuis 1992, les réformes successives de la Politique agricole commune (PAC) dans le cadre de l’offensive libérale, ont progressivement conduit à la suppression des outils de régulation et à l’ouverture des marchés agricoles à la spéculation financière, ce qui entraîne une forte volatilité des prix agricoles. Le système d’aides directes, fondamentalement injuste et créateur de rentes, favorise la concentration de la production au sein de chaque pays et renforce la concurrence entre les agricultures européennes et entre l’Europe et de nombreux pays du Sud. Lors de la récente renégociation de la Politique agricole commune (2014-2020), le Front de gauche comme le Parti de la gauche européenne (PGE) ont dénoncé la soumission de l’agriculture européenne à la mondialisation libérale.

Cette dernière mouture de la PAC poursuit le démantèlement des mécanismes de protection douanière et de gestion des marchés (quotas laitiers en 2015) alors qu’elle favorise les mécanismes d’assurances privées. En matière écologique, le « verdissement » de la PAC n'aura constitué qu’un écran de fumée. Le système d’aides directes restera inégalitaire entre territoires et entre agriculteurs. Les rentes de situation seront maintenues pour les plus grosses entreprises.

Le gouvernement ne porte pas de projet de rupture avec le modèle actuel, mais un projet d’agriculture « duale » : certes il affirme sa volonté de soutenir l’agriculture biologique mais au nom du respect de la « diversité » de l’agriculture, il ne remet pas en cause le libéralisme pour la majorité des systèmes et sur la plus grande partie du territoire au nom de la « compétitivité » de l’agriculture. La colère des légumiers bretons était empreinte de tous ces maux qui minent l'agriculture, même si je pense que cibler des biens publics était mal choisi.

Dans les ventes militantes de fruits et légumes organisées avec le Modef, vous dénoncez les marges de la grande distribution qui étranglent les producteurs comme les consommateurs. Comment y remédier ?

Les stratégies de marge de la grande distribution continuent d'être appliquées sans vergogne. Les gouvernements successifs depuis deux décennies ont au travers des lois de modernisation (LME) et de régulation économique (LRE), permis aux distributeurs d'avoir les coudées franches. Faute de police des prix, la puissance publique laisse les producteurs subir des prix d'achat trop souvent inférieurs au coût de production.

Pour la distribution, l'accroissement des importations vise à compresser toujours plus les prix d'achat aux producteurs. Cette dernière qui affiche maintenant l'approvisionnement en fruits et légumes low cost, aux conditions de dumping social et environnemental quasi affichées.

Le ticket de caisse des consommateurs flambant, le plus grand nombre d'entre eux ne peut satisfaire les recommandations de la santé : consommer cinq fruits et légumes par jour. Pour couronner le tout, les pratiques salariales de ce secteur sont malheureusement souvent à la pointe de la déréglementation du travail : des salariés contraints au travail à durée déterminée, horaires dérégulés, rupture conventionnelle… Face aux actionnaires de ces groupes dominateurs, il ne peut suffire d'en appeler à leur simple « responsabilité » pour « ne pas spéculer sur une baisse des cours » comme l'a indiqué récemment le ministre de l'Agriculture aux parlementaires, à la manière d'un ancien président de la République qui voulait moraliser le capitalisme.

Quelles sont vos propositions ?

Si pour nous communistes l'augmentation des salaires, la revalorisation des pensions, porter le SMIC à 1 700 euros sont les conditions de conquête du pouvoir d'achat, nous proposons dans l'immédiat le blocage des prix des denrées alimentaires de base.

Rémunérer justement les producteurs et mieux répartir la valeur ajoutée dans les filières agricoles est essentiel à toute ambition de nouveau type de développement agricole. L'initiative de vente solidaire de fruits et légumes du PCF, en partenariat avec le syndicat agricole MODEF pose l'exigence d'encadrement des marges et pratiques de la grande distribution. Propositions auxquelles les parlementaires communistes donnent un prolongement dans les hémicycles, en demandant l'application immédiate du coefficient multiplicateur. Nous en faisons un des premiers engagements de gauche nécessaire et responsable.

Le PCF défend l'agriculture paysanne. Quels en sont les contours ?

Le PCF s’engage pour un nouveau modèle agricole produisant une alimentation saine et de qualité, accessible à tous ; assurant une juste rémunération aux agriculteurs, comme aux salariés des filières agroalimentaires ; créant des emplois par une réappropriation sociale et une relocalisation de l'alimentation, et contribuant à engager la transition agro-écologique de l’agriculture.

Une véritable révolution des modes de production est nécessaire pour passer à une agriculture agro-écologique, respectueuse de la santé des agriculteurs, des salariés de l’agriculture et de la population, protégeant l’environnement et la biodiversité et contribuant à la lutte contre le changement climatique. Repenser les systèmes de production et les pratiques agricoles est indispensable. La production doit s’orienter vers des systèmes plus écologiques, autonomes et diversifiés, faiblement consommateurs de ressources non renouvelables (carbone fossile) pour sortir des impasses dans lesquelles la logique productiviste a conduit l’agriculture française. Il nous faut aujourd’hui stopper la consommation toujours plus importante de pesticides et d’herbicides de synthèse, inverser le processus d’hyperspécialisation des territoires qui occasionne des pollutions environnementales, fragilise l’économie territoriale ou éloigne la production des bassins de consommation.

La relocalisation des productions et le développement de circuits de proximité constituent un des fondements de la transition écologique de l’agriculture. Il s’agit de développer les productions fourragères, en les associant étroitement aux productions animales et aux autres productions végétales, afin de reconquérir notre indépendance protéique (utilisation de plantes fourragères produisant des protéines à partir de l’azote atmosphérique) et de diminuer l’utilisation d’engrais chimiques, tout en limitant les contaminations de l’environnement par les nitrates ; de rapprocher les lieux de production et d’utilisation des produits agricoles (consommation humaine et transformation) afin de diminuer les coûts et les conséquences écologiques du transport, tout en facilitant l’accès à tous à des produits de qualité. Le PCF défend une politique foncière rénovée pour juguler le processus d’urbanisation des terres agricoles et stopper la spéculation sur les terres dans l’attente d’un changement d’affectation du sol. Il faut soustraire les élus locaux aux pressions qu’ils subissent pour l’artificialisation (perte de leur caractère agricole) des terres de leur territoire. Cette politique foncière doit également permettre d’inverser le processus de concentration de la production et garantir l’accès au foncier des jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer et des plus petites exploitations, notamment à proximité des villes où la spéculation foncière est la plus forte.

La création d’emplois directs dans le secteur agricole et la fin de l’exclusion des exploitations les plus fragiles sont indissociables de notre projet car l’agriculture paysanne requiert beaucoup plus d’emplois. Il s’agit également d’inverser le processus de concentration de la terre et de la production qui condamne à la diminution inexorable du nombre d’exploitations agricoles. L'agriculture paysanne vise aussi l’amélioration des conditions de travail pour les agriculteurs et les salariés : travailler moins et mieux, diversifier les tâches, améliorer la sécurité au travail, mais aussi retrouver le sens du travail avec le vivant. Il faut repenser le travail saisonnier, le statut des aides familiaux et évidemment la place des femmes dans le secteur (paysannes ou salariées dans l’industrie de la transformation).

Est-ce un modèle en mesure de répondre aux besoins de l'humanité ?

Le modèle agricole que nous voulons doit assurer une juste rémunération des travailleurs de l’agriculture sans quoi l’attrait du métier de paysan et la pérennité et la croissance des emplois sont compromis. La restauration de prix agricoles rémunérateurs passe aussi par la remise en cause de l’alignement des prix agricoles sur les cours mondiaux calqués sur les producteurs les plus compétitifs – souvent au mépris du respect des droits des travailleurs et de l’environnement. Les marchés agricoles doivent être sortis de la logique de libéralisation et régulés. La politique agricole doit répondre aux objectifs de satisfaction des besoins humains en assurant la souveraineté alimentaire des Européens tout en préservant et en renforçant les agricultures fragilisées des pays du Sud. Le PCF souhaite le renforcement des mécanismes de régulation des marchés agricoles. Les politiques agricoles européenne et française doivent soutenir les systèmes agricoles qui maintiennent ou créent des emplois et qui préservent l’environnement. Il faut abandonner la ritournelle libérale qui pose en principe la recherche d’une plus grande « compétitivité » de l’agriculture. Le budget de la PAC doit être maintenu mais la répartition des aides doit être complètement repensée pour viser une plus grande justice et servir l’objectif de transition écologique de l’agriculture.

L'année internationale de l'agriculture va se clore fin 2014, alors qu'à tous les niveaux les défis alimentaires sont à relever. L'agriculture paysanne, la pêche artisanale sont de nature à répondre à l'ambition d'un nouveau type de développement humain durable auquel veut répondre le projet communiste.

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