Les députés et sénateurs de droite et PS réunis jeudi matin en commission mixte paritaire ont trouvé un accord pour adopter cette réforme territoriale dénoncée par l’Association des élus communistes et républicains qui avait appelé à un rassemblement devant le Sénat.
Les députés du Front de gauche ont émis un votre contre ce projet de loi.
C'est Marc DOLEZ qui s'est exprimé au parlement, au nom des députés du Front de Gauche, pour réaffirmer leur opposition à cette loi NOtre.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, s’il n’en reste qu’un, notre groupe sera celui-là. En effet, alors que l’Assemblée s’apprête à ratifier l’accord trouvé en commission mixte paritaire par la majorité gouvernementale et la droite sénatoriale, les députés du Front de gauche réitèrent leur opposition résolue à une réforme territoriale dont ce projet de loi constitue le troisième volet.
De cette réforme territoriale, nous contestons depuis le début la philosophie tout autant que le dispositif. Elle signe la fin du processus démocratique de décentralisation entamé en 1982 en ouvrant la voie à la disparition programmée des collectivités territoriales de proximité que sont les communes et les départements, par l’évaporation progressive de leurs compétences et par leur asphyxie financière. C’est toute notre démocratie locale qui est ainsi mise à mal avec la concentration des pouvoirs locaux et l’éloignement des citoyens des centres de décision.
C’est bien une logique de régionalisation qui est en marche parallèlement à la métropolisation qui s’accélère, pour déboucher à terme et à n’en pas douter, comme l’a évoqué notre collègue Paul Molac, sur un État fédéral et non plus unitaire, qui mettra les territoires en concurrence et bafouera l’égalité républicaine.
En somme, cette réforme donne une traduction législative au renoncement à la singularité française héritée de la Révolution et à l’aménagement équilibré du territoire. Il s’agit ici, ni plus ni moins, de réorganiser entièrement l’action publique, c’est-à-dire ses structures et ses procédures, pour parvenir à la réduction de la dépense publique et répondre ainsi aux injonctions ultralibérales, austéritaires et technocratiques de Bruxelles.
Lors des deux lectures du texte, nous avons tenté par quelques amendements de préserver un peu mieux la place de la commune et du département dans l’architecture territoriale – hélas sans succès. Certes, un compromis a été trouvé en commission mixte paritaire afin de rétablir à 15 000 habitants au lieu de 20 000 le seuil minimal de constitution d’un EPCI mais, malgré les dérogations retenues, ce seuil demeure irréaliste, arbitraire et déconnecté des réalités des bassins de vie.
Si l’abandon par la CMP du principe de l’élection au suffrage universel direct des conseillers intercommunaux à l’horizon 2020 constitue évidemment un point positif, nous n’entretenons cependant aucune illusion sur la suite. La perspective du suffrage universel direct, maintes fois évoquée par le Gouvernement et par sa majorité, s’inscrit dans la logique de renforcement de l’intégration des communes au sein d’intercommunalités au périmètre élargi et aux compétences renforcées. C’est la remise en cause de la nature même de la coopération intercommunale, l’objectif final étant de transférer la compétence générale à des intercommunalités élues au suffrage universel direct, comme le propose explicitement le rapport commandé par le Gouvernement au Commissariat général à l’égalité des territoires.
Et que l’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit seulement de la proposition d’un rapport n’engageant personne. La lettre de commande est claire puisque, dans la perspective du relèvement du seuil minimal de constitution d’un EPCI, il s’agit de « disposer d’analyses actualisées à l’échelle des territoires permettant de définir les lignes directrices pour les prochains regroupements intercommunaux ».
Que restera-t-il des communes quand leurs compétences essentielles auront été transférées à des collectivités devenues autonomes par le mode d’élection de leurs assemblées ?
Des coquilles vides, sans compétence significative et sans ressources propres.
Les perspectives pour les départements ne sont, hélas, guère plus encourageantes. Je n’en veux pour preuve que l’acharnement mis à déposséder le département d’importantes compétences de proximité comme en témoigne le débat que nous avons eu dans cet hémicycle sur le transfert de la gestion des transports scolaires.
Alors que le retour de la gestion des transports scolaires aux départements avait été voté, le Gouvernement a exigé une seconde délibération contraignant notre Assemblée à se déjuger en moins de quarante-huit heures. Nous regrettons ici que la CMP ne soit pas revenue sur le maintien au niveau régional élargi des transports scolaires, lesquels nécessitent pourtant une connaissance fine des besoins des familles et des itinéraires.
Faisant fi des inquiétudes et des oppositions fortes, exprimées dans la diversité de leurs sensibilités par les élus locaux du pays, le Gouvernement a donc choisi d’aller au bout d’une réforme qui bousculera notre organisation territoriale pour des décennies et consacrera une France des territoires à plusieurs vitesses.
Nous ne saurions nous y résoudre et nous croyons à l’absolue nécessité de maintenir l’ossature de la République que constituent communes, départements et régions.
Fidèles à l’esprit des lois pionnières de 1982 et 1983, nous continuerons de défendre avec obstination une décentralisation au service de nos concitoyens, organisée en fonction du principe de proximité pour faire vivre la démocratie et les libertés locales.
Tel est le sens du vote contre, que les députés du Front de gauche émettront une nouvelle fois sur ce projet de loi.