La semaine dernière, j'ai eu une longue discussion avec Alain Bourges, professeur d'arts à l'école d'art de Rennes (ancienne école des beaux arts) et responsable de la CGT au niveau des quatre écoles d'art bretonnes (Rennes, Brest, Quimper, Lorient : celle de Brest est spécialisée dans le design, celle de Quimper dans les arts, celle de Lorient dans un mixte communication et arts, celle de Rennes associe le tout).
Il m'a interpellé par rapport au projet de réorganisation des services des écoles d'art.
En effet, depuis la loi Pécresse sur l'enseignement supérieur, les écoles d'art bretonnes ont perdu leur autonomie et ont été contraintes de s'associer en établissement public de coopération culturelle (EPCC), à l'intérieur duquel les représentants des collectivités qui financent et non plus les enseignants et salariés, ont tout pouvoir. Tout le pouvoir aux payeurs.
Au Conseil d'Administration, il y a 4 profs pour 24 élus (ville, Etat, région). Les représentants des collectivités et de l'Etat se réunissent avant le CA si bien que tous les votes se font à l'unanimité des élus au CA sans que les personnels aient accès à leurs débats. C'est pareil pour le Comité Technique. Le Comité Pédagogique étant lui précédé et phagocyté par un comité de direction.
Lors de la fusion des établissements en EPCC, l'Etat a joué un rôle très autoritaire pour imposer cela aux communes. Au détriment d'autres projets, comme la création d'une association plus autonome.
Depuis, les moyens font défaut. Dans la réorganisation un cabinet de consultants de Quimper a mené une étude très incomplète sur les besoins : par exemple, ces écoles des beaux arts n'ont pas de réseau informatique propre. La réorganisation des services a étoffé l'administration générale des 4 écoles : au lieu de 2 salariés initialement prévus, c'est 8 personnes qui sont employés, mais les moyens pour enseigner dans des bonnes conditions et avec un statut non précaire font défaut.
A Rennes, la précarisation concerne la moitié des enseignants qui sont des vacataires, souvent des doctorants issus de la fac. La précarité des enseignants de fac (et des conditions de travail pour les élèves), on la retrouve dans ces écoles d'art.
Les collectivités donnent un budget à niveau constant alors que certains postes évoluent à hausse, au détriment de l'enseignement.
Ces écoles d'art sont désormais gérées comme des entreprises ou des écoles de commerce en concurrence : tout pour la vitrine et l'affichage. Course aux partenariats prestigieux avec l'étranger au détriment du fond. « Toutes les écoles d'art se sont découvertes comme étant en concurrence pour attirer les étudiants ».
Le directeur de ces écoles d'art, M. Lucéa, est très contesté. Il vient de la direction de la culture à Brest où des salariés et des élus se plaignaient de son autoritarisme. Sous couvert d'une réorganisation de service il veut virer enseignante, une militante CGT en fin de contrat, « une fille vachement bien qui ne va pas lâcher » car elle est jusqu'en octobre avec deux étudiants sur un projet de partenariat avec une crèche de Quimper. La CGT demande un an de prolongation de contrat mais ils ne veulent pas lâcher.
On cherche à pousser à la démission certaines enseignantes qui déplaisent au directeur en question.
A Brest, deux postes seraient supprimés (un poste créé à temps partiel), à Lorient 1 poste supprimé.
L'école de Brest est en équilibre financier intéressant, pas celle de Lorient.
Il n'y a pas de transparence sur les budgets : budget principal plus 4 budgets qui ne sont pas solidaires.
Le problème que rencontrent les enseignants et leurs représentants syndicaux est qu'ils trouvent très peu d'appuis chez les élus pour alerter sur ces problèmes et faire bouger les choses.
Ainsi, en CA le 1er Juillet 2015 à Brest, toute la réorganisation des services a été votée. Il n'y a pas eu de débat, le CA n'étant qu'une chambre d'enregistrement de ce que les "personnes publiques" ont déjà décidé en privé.
Ismaël Dupont, secrétaire départemental du Parti Communiste du Finistère.
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Courrier d'Alain Bourges, secrétaire général de la CGT-EESAB à Philippe Noguès, député du Morbihan:
Alain Bourges
Secrétaire Général de la CGT-EESAB
Monsieur le député,
Averti de vos récentes positions, je me permets de vous adresser ce courrier pour vous informer de la situation d'un établissement régional, l'École Européenne Supérieure d'Art de Bretagne, et solliciter votre appui.
L'EESAB est née de la fusion exigée par l'Etat des écoles des beaux-arts de Brest, Lorient, Quimper et Rennes. Dans le cadre d'une transformation en Etablissement d'Enseignement supérieur, la loi imposait l'autonomie juridique (Loi Pécresse) et c'est pourquoi toutes les écoles d'art territoriales de France sont devenues des Etablissements Publics de Coopération Culturelle (EPCC).
Force est de constater aujourd'hui que ce statut ne répond pas aux nécessités des écoles et surtout, d'établissements d'enseignement supérieur. Ce constat est désormais partagé au plus haut niveau et nous avons cru comprendre qu'une révision du statut des EPCC est envisagé.
Quoiqu'il en soit, le cas breton a la particularité d'être le seul qui regroupe 4 anciennes écoles. L'impréparation dans laquelle le projet a été lancé pose multitude de problèmes : oubli d'un réseau informatique propre, désormais financièrement inenvisageable, augmentation considérable d'une administration centrale prévue au départ a minima, frais imprévus et temps perdu en déplacements incessant dans toute la Bretagne, etc... mais, surtout, le plus sérieux problème est le déficit démocratique et l'incapacité en terme de concertation sociale.
L'EESAB est dirigé par un Conseil d'Administration où les collectivités détiennent légalement la majorité. Les personnels n'y constituent qu'une minorité réduite et sans influence. Ce sont les payeurs qui décident, hélas sans expérience des spécificités de l'enseignement artistique. Contrairement à la tradition démocratique de l'Université où les enseignants et étudiants jouent un rôle central dans les Conseils d'Administration, nous affrontons des élus portés par une vision purement administrative et comptable, sans compréhension ni des enjeux de l'enseignement supérieur ni de la dimension artistique d'un tel enseignement. Cette situation, partagée par toutes les écoles de France s'aggrave en Bretagne par le mise en place de réunions qui doublent, voire court-circuitent, les instances (réunion des personnes publiques en amont du CA, réunion employeur-syndicats en amont du Comité Technique, réunion des directeurs en aval du conseil pédagogique, etc...). Désabusés, les personnels se sont détournés des élections aux instances et il a fallu tirer au sort leurs représentants au Conseil d'Administration ou faire sans eux dans les différents sites.
Cette situation débouche aujourd'hui sur un réel conflit. Au terme de quatre années de fonctionnement les sites de Brest, Lorient et Rennes annoncent des suppressions ou des réductions de postes d'enseignants. Nous sommes déjà dans une situation où, à l'encontre des règles de la Fonction Publique territoriale, la précarité se généralise. Mais, étape supplémentaire, il va être décidé ce 1er janvier de supprimer deux postes à Brest, d'en supprimer un à Lorient et d'en réduire un à Rennes pour de simples motifs budgétaires. Pour résumer, dans ce qui est une école, donc un lieu voué à l'enseignement, on accroît l'administration et on supprime des professeurs ! Les deux syndicats, CFDT et CGT se sont unis pour résister à cette politique désastreuse.
Dans le cas Lorientais, le prétexte est un déficit du site et les administrateurs s'accommodent de cette perte en estimant qu'un autre professeur peut à lui seul assumer ce que faisaient deux auparavant. Dans le cas brestois, le plus dramatique, une pseudo réorganisation des services sert de prétexte à l'éviction d'une enseignante trop peu docile. À Rennes, il s'agit d'une baisse d'effectifs dans une section. Cette politique purement comptable est inacceptable mais l'administration comme les élus nous opposent une fin de non-recevoir. Aucune politique, aucun projet pédagogique global à l'Etablissement n'existe en dehors de quelques considérations vagues. Nous affirmons, de notre côté que la priorité est de déterminer en concertation avec les personnels un réel projet pédagogique de l'Etablissement et, à partir de là, la discussion des moyens et personnels à y impliquer deviendra possible.
Nous avons alerté le Ministère de la Culture, la Préfecture, le Centre de Gestion. Le problème breton a été popularisé dans toute la France par la Coordination Nationale des Enseignants des Ecoles d'Art. Nous avons interpelé tous les interlocuteurs. Nous sommes désormais prêt à mener une action plus ferme pour contraindre l'employeur à la négociation.
Aujourd'hui, nous nous tournons vers vous. Aucun des sites de l'EESAB ne figure dans votre circonscription mais vous êtes un élu de la République et vous êtes issu de Bretagne. L'administration d'un établissement public de dimension régionale vous concerne donc au premier chef. Nous souhaiterions que vous puissiez user de votre position pour agir auprès des représentants des villes, de la Région et de l'Etat qui s'apprêtent à voter ce 1er juillet la suppression de postes d'enseignants au cours d'un Conseil d'Administration qui se tiendra à Quimper.
En espérant que votre influence permettra de renouer un dialogue rompu et que des issues pourront être trouvées pour éviter les drames humains qui s'annoncent, je vous prie, Monsieur le député, d'agréer l'expression de mes sentiments cordiaux.
Alain Bourges
Pour plus d'information, le site de la CGT de l'EESAB:
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