Les transports sur de mauvais rails
(Tribune publiée dans L'Humanité)
Par Didier Le Reste, Convergence nationale rail,
Gilbert Garrel, fédération CGT des Cheminots
Michel Jallamion, Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics
Nathalie Bonnet, fédération Sud rail et Union Solidaires transports
Bernard Teper, Réseau d'éducation populaire
Nous tenons à alerter les usagers du rail, l'opinion publique et à interpeller les autorités politiques ainsi que la direction de la SNCF à propos de la détérioration progressive du service public ferroviaire et des nouvelles menaces qui pèsent sur son avenir. Force est de constater que nous assistons à une accélération d'une gestion libérale privilégiant la rentabilité financière par une réduction de l'offre, privant ainsi des pans entiers du territoire d'une desserte par le rail.
Il en va ainsi de la fermeture réalisée et celle programmée de nombreuses infrastructures et installations ferroviaires (lignes, gares, boutiques, triages... ). Cette stratégie délibérée de la direction de la SNCF se fait avec l'accord tacite du gouvernement.
Il en va ainsi de la liberté tarifaire accordée à la SNCF qui a conduit à une augmentation des tarifs de 16 % en six ans, dissuadant de plus en plus d'usagers de choisir le train comme mode de transport.
L'avenir incertain des trains d'équilibre du territoire (Corail, trains de nuit...), dont la convention entre l'Etat et la SNCF arrive à son terme fin 2014, en est l'illustration.
Ces 38 lignes interrégionales représentent plus de 350 trains qui desservent 400 villes dans 21 régions et portent 100 000 voyageurs par jour.
Sous prétexte de réforme territoriale, l'Etat compte se désengager à terme de 75 % de ces lignes « d'intérêt national » en transférant les compétences aux régions dont les budgets sont déjà contraints. In fine, nous assisterons à la suppression pure et simple de ces trains avec une nouvelle remise en cause de l'égalité de traitement des citoyens en matière d'accès au service public ferroviaire.
La récente déclaration du ministre Macron qui veut libéraliser le transport national par autocars sur de longues distances porte un nouveau mauvais coup au service public ferroviaire. Il y a derrière tout cela la préparation de la privatisation du transport ferroviaire régional alors que le service public de proximité que sont les TER a largement prouvé son efficacité.
La volonté de la SNCF de supprimer les contrôleurs à bord des TER, adossée aux fermetures de gares et de guichets, compléterait le dispositif de déshumanisation des gares et des trains avec une aggravation de l'insécurité, de la fraude et des déprédations.
Nos associations et nos organisations ne peuvent l'accepter ! Comme elles ne peuvent cautionner un éventuel transfert vers la route, via les filiales autocaristes SNCF, de 25 % des circulations ferroviaires, pas plus que le remplacement, d'ici à 2020, des trains de nuit par sa filiale des cars ID bus.
Ainsi, pour la SNCF, les usagers et les chargeurs pour le fret n'auraient d'autre choix que de se tourner vers la route, source de pollution, de nuisances sonores, de congestion routière, d'accidentologie et de dumping social notoire. C'est un comble au moment où la France s'apprête, en 2015, à présider la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques dont l'un des principaux responsables est le transport routier. Depuis les directives européennes successives et l'ouverture à la concurrence du trafic ferroviaire de marchandises en France, en 2006, nous assistons à une véritable régression sans précédent de cette activité, dont la part modale ne représente plus que 9 % dans le marché des transports (20,5 % en 2000!). Plus de 80 % du transport de marchandises passent par la route en France, contribuant à augmenter les risques d'accident, la pollution, la dégradation des infrastructures. Au niveau du rail, plus de 300 gares de fret ont été fermées, le nombre des grands triages en service est passé de 25 à 4, et des milliers d'emplois ont été supprimés...
La loi sur la réforme du système ferroviaire devait réunifier le système ferroviaire. Or, elle l'éclate en trois établissements publics à caractère industriel et commercial distincts et autonomes. Elle prépare de futures privatisations et l'ouverture à la concurrence du trafic des voyageurs pour répondre aux injonctions libérales de l'Union Européenne. Elle renforce le pouvoir des régions qui auront la liberté tarifaire des TER, quid de la solidarité nationale entre les territoires et de l'égalité de traitement avec des tarifs différents d'une région à une autre ?...
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