C'était hier après-midi, samedi 16 mai, au Nautile, le centre culturel de la Forêt de Fouesnant. Une belle rencontre autour de l'engagement au féminin organisée par la section PCF de Fouesnant et les Amis du PCF.
Tout avait commencé dans l'émotion avec un très bel hommage de Marie Andrée Bernard à Jacqueline Le Louet, monument du militantisme communiste décédée récemment, son ancienne camarade, responsable du syndicat CGT des PTT, conseillère municipale à Quimper à la Libération, secrétaire de l'UL CGT de Quimper au moment des grèves de mai 1968, oratrice enflammée allumant l'ardeur chez les camarades.
Auparavant, André Bernard a dit un mot d'accueil en rappelant le sens et l'importance de la culture, pour nous les communistes:
" En ces temps troublés où beaucoup perdent leurs repères et le sens même de la condition humaine et de son devenir, la Culture-plus que jamais- est un phare indispensable.
Elle ne saurait se réduire à un quelconque «supplément d'âme» comme on l'écrit parfois, ni à une variable d'ajustement en période de crise. Elle ne saurait non plus être méprisée au profit d' impératifs économiques; comme on va moins souvent chez le coiffeur quand on a des problèmes financiers.
La Culture n'est ni un luxe superflu, ni une danseuse entretenue à grands frais!
La Culture fait appel à l'intelligence et à la réflexion. Elle stimule la curiosité, favorise l'échange et le dialogue. Elle fonde la reconnaissance et le respect.
La Culture refuse l'uniformisation et le nivellement mais, au contraire elle encourage la différence. La Culture nous permet de grandir.
Quand je me cultive, je me colore!
Quand je me cultive, je vis plus grand que ma taille!
C'est en ce sens que la Culture est source de liberté et d'émancipation.
La Culture est également formatrice. Au-delà des savoirs, elle produit des savoirs-faire et des savoirs-être. ...Le fameux»Ce qui reste quand on a tout oublié.»
Enfin, la Culture est généreuse. Elle donne! Elle donne à voir; elle donne à toucher; elle donne à entendre; elle donne à comprendre.
Et comme elle est bien plus que cela encore, elle ne saurait être sacrifiée à aucun autre impératif!
C'est pourquoi elle doit être accessible à tous!
Sans vouloir me lancer dans une diatribe politique qui serait ici déplacée, je veux seulement rappeler que-entre autres promesses- François HOLLANDE avait promis de «sanctuariser» le budget de la Culture. En réalité il a été réduit de 10% en 3 ans! Doit-on encore s'interroger longtemps sur la nature et sur l'orientation d'un gouvernement qui sacrifie délibérément sa Culture?"
Françoise Pencalet Kérivel, historienne, élue Front de Gauche à Douarnenez, a ensuite parcouru deux siècles de marche pour conquérir les droits politiques et sociaux des femmes en commençant par la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d'Olympe de Gouges en 1791, et par cette proposition de droits de vote des femmes à la Libération soutenue de manière un peu esseulée par Concorcet. Françoise a aussi évoqué l'élection au Conseil Municipal de Douarnenez en 1925 d'une parente, Joséphine Pencalet, en compagnie de Charles Tillon sur la liste de Le Flanchec, puis de son combat perdu au Conseil d'Etat pour faire reconnaître son élection. Il faudra attendre encore les municipales de 1945 pour qu'à la suite de l'amendement d'un député communiste, Fernand Grenier, les femmes aient le droit de vote en France. Françoise Pencalet a ensuite animé l'échange entre cinq autres femmes engagées.
Nadine Saouti, membre du groupe CGT au CESER de Bretagne, a exposé son engagement à la CGT comme conseillère en insertion à la mission locale à Brest, dans un syndicat qu'elle a créé sur son lieu de travail. La difficulté aussi à concilier travail, engagement syndical, vie de famille, surtout quand on a un enfant handicapé.
Marianne Jean, fille d'un maire communiste de Concarneau, a évoqué elle aussi son engagement syndical comme infirmière en hôpital psychiatrique pour la sécurité des patients et des personnels, le respect des femmes professionnelles. Elle a également parlé du Comité de défense de l'hôpital de Concarneau.
Marie-Andrée Bernard, qui fut la suppléante de Michel Mazéas aux législatives de 1978 à Douarnenez, a parlé de son engagement syndical au PTT, puis à la MGEN, à la Coderpa du Finistère.
Martine Le Nozerh, membre de la direction départementale du PCF, a parlé de ses dix années passées comme ouvrière intérimaire, à 50-55 ans, dans l'agro-alimentaire: conserveries de sardines, usines à saumons. Des conditions de travail extrêmement dures, un statut des intérimaires qui rend encore plus dépendant de l'arbitraire, la difficulté à se faire défendre par les syndicats, les permanents. La possibilité d'être mis à l'écart du jour au lendemain, la tyrannie des contremaîtresses, le travail dans le froid, l'asservissement au rythme de la machine et du tapis.
Enfin Claude Léostic, ancienne vice-présidente de l'AFPS, responsable de la plateforme des ONG pour la Palestine, a raconté de manière passionnante les racines de son engagement et son combat pour les Palestiniens qui l'ont conduite à enseigner à Naplouse puis à rejoindre l'autorité palestinienne et Arafat assiégés dans la Moukata à Ramallah par les Israéliens pour subir avec eux un siège de 40 jours pendant la seconde Intifada. Elle a raconté aussi l'arraisonnement militaire du Dignité Karama, le seul des bateaux pour Gaza qui a pu échapper à la confiscation en Grèce ordonnée par les Israéliens, au large de Gaza.
Un débat s'est ensuite installé avec la salle où Christian Vermeulin est intervenu, mais aussi Paul Le Gall, 90 ans, ancien résistant et combattant de la poche de Lorient, artisan, ancien secrétaire départemental du PCF Sud-Finistère, membre du Comité Central du PCF pendant 22 ans, ami de Georges Marchais qui n'avait pas craint de critiquer en 1982 avec d'autres comme Juquin "le bilan globalement positif" du communisme soviétique et l'invasion soviétique en Afghanistan.
Pour ma part, je suis aussi intervenu pour rendre un hommage appuyé à trois femmes extraordinaires qui ont ouvert la voie, trois meneuses du mouvement communiste et ouvrier aux tempéraments d'acier et aux personnalités riches et généreuses qui ont fait preuve de capacité d'entraînement et de direction politique dans un temps où la politique était surtout affaire d'hommes: Louise Michel, Rosa Luxembourg, et la bretonne Louise Bodin, dirigeante de la IIIe Internationale dans les années 1920 et militante féministe.
Ismaël Dupont
Macha Fernandez, responsable de la Commission Culture du PCF Finistère, a rédigé un très beau texte sur cette belle journée des "Meneuses" à la Forêt Fouesnant. Le voici:
Loin de la carte postale traditionnelle, les « Meneuses », - événement culturel organisé par les amis du PCF au Nautile de La Forêt Fouesnant ce samedi 16 mai 2015-, nous a accueilli par une exposition photos qui tout de suite créé conversation entre les visiteurs, tant les scènes criantes de vie locale saisies suscitaient l’échange de souvenirs. Le ton était donné, on allait parler vrai, on allait échanger.
Ce fut le cas. Six femmes se sont racontées avec pudeur, pour témoigner ensuite avec humanité, clarté, lucidité, intelligence, comment face à des impératifs ou par choix, elles ont remis en question ce qui leur était présenté comme normal, avant de se joindre aux organisations de lutte, conscientes que la force naît du nombre, et de la solidarité qu’il génère. Elles ont aussi rendu vivante l’action des disparues de leur famille, celle dite des Meneuses. À l’état civil, Jacqueline Le Louet et Joséphine Pencalet.
À la lumière de ces histoires de vie, universelles de part leur contenu, force est de constater que les faits sont têtus et que l’Histoire radote.
La condition ouvrière n’a que très peu changé. Si évolution il y a eu, c’est dans l’accroissement du bien-être des gains du patron. L’amélioration est unilatérale, elle a choisi son camp, sa classe. L’injustice.
Comment ne pas frémir en entendant que dans telle sardinerie, il faut pointer quand on va aux toilettes, et que dans ce temps de travail décompté, sont inclus l’obligation de quitter puis de remettre la tenue d’hygiène réglementaire ?
Comment ne pas frémir quand dans l’assistance une parole s’élève pour témoigner du fait, que dans l’agro-alimentaire, pour pallier à ce qu’il faut bien nommer ignominie, certains, par peur de « valser », peinant à suivre le tempo impossible du contremaître à danser, portent des couches pour adultes ?
Il paraît que le monde va vite et qu’il faut s’adapter au progrès. Quel progrès ? Celui qui contribue à humilier ceux qui permettent son existence ? Pourtant, Louise Michel nous le disait : « Le capital est une fiction, car sans le travail, il ne peut exister ». Qu’il se le dise !
C’est un monde dans le monde qui se dessine à la lumière des témoignages. À son image. Le soleil en moins. Du beau à l’hideux. Du geste altruiste, solidaire, debout, à celui harceleur, rampant, délateur, entretenu par la hiérarchie mise en place par le patron.
Pas d’heures, pas de nuit, pas de jour, pas de droits, en silence et en cadence. Plus vite ! Toujours plus vite ! Aux ordres de la sardine, du thon ou autre maquereau.
Comment ne pas frémir en entendant qu’un petit degré perfide a été hissé dans l’air, dispensant l’employeur de payer la prime, justement nommée, de froid ?
Ça se passe aujourd’hui. C’est le lot des sardinières. D’autres aussi.
« Saluez, riches heureux,
ces pauvres en haillon,
saluez, ce sont eux,
qui gagnent vos millions. »
Le chant des sardinières. Autre moment fort sur scène aussitôt repris par le public. Titre éponyme, aussi, du concert en deuxième partie, témoignage chanté de la condition féminine locale, parfois ouvrière mais toujours pauvre, dans la langue bretonne du peuple, traduite avec humour ou émotion.
Beaucoup de justesse, de recherche, tant dans l’harmonisation que dans l’interprétation portée par Marie-Aline Lagadic et Klervi Rivière au chant, accompagnées de deux hommes, comme auraient dit les bigotes en se signant, l’un au portefeuille à boutons, l’autre au piano qui se branche. Qu’ils me pardonnent, je n’ai pas retenu leur prénom. Mais, de la virtuosité, de l’émotion, de l’humour tendre et scalpel, de l’élégance, du moment je n’ai rien oublié.
J’en oublie forcément. D’autres compléteront, en diront autre chose. Ce serait bien, car nous étions nombreux.
Alors il ne me reste plus qu’à adresser un grand merci à Nadine, Marianne, Marie-Andrée, Françoise, Martine, et Claude, ainsi qu’à tous les autres non cités, qui ne sont pas moindres, dont les hommes et les amis du PCF pour nous avoir permis de vivre ce moment dense et enrichissant.
Macha Fernandez
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