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25 mai 2015 1 25 /05 /mai /2015 14:48

La semaine dernière, ceux qui croyaient que le salut pour la gauche et le mandat présidentiel de Hollande viendrait de l'intérieur du PS et d'une exigence de réorientation de la politique gouvernementale venue des militants socialistes, en colère contre les orientations droitières de Hollande et Valls, ont dû déchanter avec le résultat de la consultation des adhérents sur les motions, puisque la motion Cambadélis, défendant la politique sociale-libérale du gouvernement et le cap présidentiel, avec le soutien remarqué de Martine Aubry, a obtenu 60% des suffrages des militants, contre 30% à la motion de Christian Paul, celle soutenue par les "frondeurs" réclamant une réorientation à gauche, pour la relance de l'activité, la lutte contre le chômage et les inégalités, de la politique du gouvernement.

Le PS n'est pas pour autant rassemblé et serein derrière la politique du gouvernement: il a perdu 40 000 adhérents depuis 2012, et 30% des adhérents qui veulent d'un parti plus fidèle à ses valeurs historiques et moins orienté sur l'agenda politique du Medef, ce n'est pas rien non plus.

Ceux qui ont voté Cambadélis ont pour certains manifesté leur accord avec la politique de l'offre, "réaliste et de rigueur" , diront-ils, du gouvernement et de Hollande, complètement arrimée aux orientations de la finance et du libéralisme en Europe. D'autres ont sans doute privilégié avant tout comme d'habitude l'unité derrière les chefs et "la gagne" (ne pas fragiliser encore plus l'exécutif), la cohérence de l'action. Car il faut donner du temps au temps et attendre de voir les résultats... Il y a au PS comme à l'UMP et dans d'autres partis une culture "suiviste" d'un certain nombre de militants qui placent le culte du résultat et la confiance vis à vis de la personne des dirigeants avant la préoccupation pour le contenu politique.

Ce résultat qui est tout de même préoccupant pour l'avenir du PS quand on connaît l'ampleur du rejet pour sa politique aux conséquences dramatiques pour le pays et pour les gens (plus d'un million de chômeurs et de pauvres en plus depuis 2012, des inégalités qui s'accroissent, des collectivités en difficulté...). Il traduit aussi le fait que désormais, les thèses de centre-droit, de la "réconciliation" avec le monde patronal et le marché, au nom de l'efficacité économique et de la croissance, sont en grande partie rentrées dans les têtes des adhérents, dont la culture politique et le profil sociologique en partie aussi a changé depuis les années 70 et le début des années 80. Il n'y a d'ailleurs plus beaucoup d'ouvriers, d'employés, de syndicalistes au PS, mais beaucoup de cadres, de professions intellectuelles du secteur public ou libéral, beaucoup d'élus et de personnes qui travaillent pour les élus aussi, qui sont donc souvent assez éloignés des problèmes que rencontrent les classes populaires et de leurs préoccupations, qui conçoivent parfois la politique comme un gagne-pain et un match plus que comme un moyen d'améliorer la vie des gens et de construire un rapport de force pour plus de justice, d'égalité.

Il ne faut pas sous-estimer le rôle de l'opportunisme de beaucoup de cadres intermédiaires et d' élus ambitieux qui veulent garder places et influence et qui se rangent du côté du vainqueur annoncé, et souvent officiellement toujours pour faire avancer les choses en interne...

Dans le livre "La Gauche bouge", écrit en 1985 sous le pseudonyme de Jean-François Trans par les trans-courants François Hollande, Jean-Pierre Jouyet (alors conseiller technique de Mitterrand à l'Elysée avant de travailler pour Sarkozy, et de décéder en 2005), Jean-Yves Le Drian, Jean-Pierre Mignard. On y lit: "Finis les rêves, enterrés les illusions, évanouies les chimères. Le réel envahit tout. Les comptes doivent forcément être équilibrés, les prélèvements obligatoires abaissés, les entreprises modernisées, l'initiative libérée". Ou encore: "Ce n'est pas par calcul ou par malignité que la gauche a accepté de laisser fermer les entreprises ou d'entamer le pouvoir d'achat des Français. C'est par lucidité. Refuser les évolutions et c'en aurait été fait de la perspective d'une gestion régulière du pays par la gauche".

La droite du PS qui conjugue la modernité avec la renonciation avec toutes les vieilles lunes marxistes de la lutte des classes, de la régulation économique et de la redistribution sociale, a gagné en interne, là où le rapport de force entre la gauche et la droite du PS était beaucoup plus équilibré encore en 1993, en 2005.

La direction du PS se réclame d'un nouveau compromis social-démocrate, alors que la social-démocratie n'existe déjà plus en Europe dans les faits, à part peut-être dans les pays nordiques, et imite en réalité la conversion au libéralisme économique et à l'Etat fort pour les faibles du New Labour, du SPD, des socialistes espagnols ou grecs, appareils d'Etat complètement infiltrés par "les élites" et la haute bourgeoisie, qui travaillent pour les intérêts des classes possédantes.

Seulement, pour gagner des élections autres que locales, cette "gauche officielle" qui n'a plus rien de socialiste et plus grand chose de gauche ne peut plus compter désormais, dans une situation d'opposition, que sur la brutalité et l'impopularité de son adversaire de droite au pouvoir ou sur les numéros d'illusionnistes, incapable d'obtenir une majorité à gauche sur la politique qu'elle promeut en réalité.

Hollande a été élu sur une mystification et un malentendu en 2012: ce n'est pas sûr qu'on y reprennent les Français de sitôt.

Nous sommes convaincus pour notre part qu'il faut que cette désillusion s'opère pour que des forces vraiment de gauche soient perçues comme une alternative possible par les électeurs qui ont des convictions de gauche solide, mais cette condition nécessaire est loin d'être suffisante. Et la dérive du PS menace dans les franges majoritairement peu politisées de la gauche l'idée et le crédit même de la gauche, de ses valeurs et de sa politique.

L'électorat traditionnel du PS reste un électorat de gauche, certains de ses militants ont aussi des valeurs qui nous sont communes. Nous ne pourrons pas construire une force de gauche volontariste et majoritaire en excluant l'électorat et même les sympathisants et militants du PS. Mais cette perspective ne sera attractive pour eux que si la gauche authentique a une prise sur le réel et est dans une dynamique unitaire et ascendante, ce qui ne sera possible qu'en refusant les compromis électoraux, en clarifiant nos différences en théorie et en les exemplifiant en pratique.

On le sait, l'électorat du PS est plus à gauche que ses cadres dirigeants.

Car contrairement à ce qu'il se dit traditionnellement, la droitisation des esprits n'est pas si évidente que cela.

C'est que montre le volume 3 des Cahiers du LEM , la revue intellectuelle d'étude politique du PCF: " D'une domination sans partage des valeurs de droite (hostilité à l'action collective, faveur marquée pour le libéralisme) voire d'extrême-droite (puissance de la xénophobie en particulier) dans les années 1990, on est passé à une prédominance des principes de gauche. Ainsi, "bourse" connoté négativement à hauteur de 29% en 1988, l'est à 74% en 2012! Pour "privatisation", on est passé de 36% d'opinions négatives en 1988 à 62%! Pour "capitalisme" même, l'évolution reste notable: de 50% de rejet en 1988 à 64%!". A l'inverse, les marqueurs de gauche progressent: volonté d'un contrôle public de l'activité économique (29% en 1988; 55% en 2012), influence des syndicats de salariés dans la politique du gouvernement (20% la jugeaient insuffisante dans les années 1980; 52% maintenant...).... Mêmes évolutions du côté des questions de mœurs ou de migrations -homophobie et xénophobie demeurent mais ont perdu grosso modo la moitié de leurs bataillons en 20 ans".

C'est que les ravages du capitalisme financier et mondialisé et des politiques libérales sont passés par là.

Le problème est que la déception vis à vis du PS et de Hollande ne se traduit pas encore en France, à l'inverse de l'Espagne ou de la Grèce par exemple, par une montée en puissance de la gauche authentique. L'histoire l'explique, une gravité moindre de la régression sociale et de la perte de souveraineté politico-économique aussi, une classe politique peut-être moins corrompue dans son ensemble, et surtout un mouvement social et un climat de luttes moins vivace. La gauche de la gauche en France à l'heure actuelle, surtout, peine à entraîner les jeunes et les catégories populaires, qui "préfèrent" l'abstention parce qu'elle ne nous trouve sans doute pas assez capable d'inverser le cours des choses, ou pas assez crédible.

Si une partie significative, diplômée, active de la population, bien que plus à gauche souvent dans ses valeurs que le PS de Valls, considère toujours néanmoins le PS comme le référent de la gauche et continue à voter pour lui comme premier acteur crédible et à vocation majoritaire de la gauche, l'électorat ouvrier et populaire est le plus souvent désenchanté et dégoûté, à raison d'ailleurs. Beaucoup d'électeurs ne croient plus en la politique, mettent les partis de gauche et de droite dans le même sac, et s'abstiennent ou vote sur un registre contestataire ou d'adhésion pour le parti qui actuellement menace le plus sérieusement le bipartisme installé depuis 40 ans au moins: le FN. C'est une menace inédite, d'autant que le FN, on le voit, reprend depuis quelques années, quelque soit par ailleurs le socle de son identité idéologique, des thèmes sociaux et anti-libéraux qui séduisent le monde ouvrier et les victimes de la crise. Ce n'est pas la division à gauche qui renforce le FN, c'est les démissions de la gauche, ou de la prétendue gauche au pouvoir.

Si les médias nous ignorent ou nous caricaturent, la gauche de gauche a aussi ses responsabilités dans ce manque de perspectives pour une relève à vocation majoritaire à la gauche du PS. Discours et communication ne sont pas toujours très lisibles, nous souffrons d'un manque d'unité et de cohérence électorale, nous avons du mal à trouver une plateforme de revendications et de reconnaissance commune à tous les dominés, les exploités, les laissés pour compte, les opposants du système. Divisions et personnalités qui ne rassemblent pas suffisamment, partis vieillissants et affaiblis, syndicats souffrant des mêmes maux, manque de dynamique de lutte sociale et politique offensive, sont d'autres handicaps.

La violence des politiques libérales et de la crise vécue par les gens à cause du renforcement de la domination capitaliste fait que la situation politique est très mouvante et qu'un réveil de la gauche de gauche n'est pas exclu, même si l'extrême-droite a pris plusieurs longueurs d'avance pour se poser en recours possible au bipartisme qui gère les intérêts de la bourgeoisie et du grand capital.

Toutefois, cela ne se fera pas du jour au lendemain sans travail militant de fourmi pour recréer des réseaux et du commun à l'intérieur du monde social, sans travail idéologique pour crédibiliser les solutions de transformation sociale et de dépassement des logiques capitalistes ni sans redynamisation des luttes contre l'ordre inégalitaire et l'exploitation partout dans le pays, à l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays européens.

La lutte, la proposition, l'esprit de rassemblement et de conquête, l'exigence politique et idéologique mais le refus du sectarisme, la participation et l'implication citoyennes, l'explication du possible pour lutter contre toutes les résignations doivent être nos ambitions pour les années à venir.

Ismaël Dupont

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